Un rapport sénatorial alerte sur les risques d’une crise des opioïdes en France et appelle à renforcer la prévention
La commission des affaires sociales du Sénat a publié, ce 9 juillet 2025, un rapport d’information flash intitulé « Opioïdes en France : état des lieux, risques émergents et stratégies de prévention ».
Ce document, fruit du travail de Patricia Demas (LR), Philippe Mouiller, Anne-Sophie Romagny (UC) et Anne Souyris (GEST) alerte sur les risques de banalisation de ces médicaments puissants. Adopté à l’unanimité par la commission présidée par Philippe Mouiller (LR), il formule vingt recommandations pour renforcer la prévention, améliorer la prise en charge de la douleur et éviter à la France de suivre la trajectoire dramatique des États-Unis.
Une augmentation préoccupante des prescriptions et des risques associés
Le rapport sénatorial dresse ainsi un état des lieux préoccupant de l’usage des opioïdes en France. Il met en lumière une hausse continue des prescriptions, des mésusages et des décès. Depuis 2010, les ventes d’opioïdes forts ont augmenté de 59 %, tandis que les décès liés aux opioïdes prescrits ont progressé de 20 % entre 2018 et 2022.
Par ailleurs, de plus en plus de patients rencontrent des problèmes d’addiction ou des difficultés à arrêter leur traitement. Par exemple, 47 % des patients sous Tramadol feraient face à ces complications. Les rapporteuses pointent aussi un manque d’information des patients sur la nature de leur traitement et ses risques, ce qui compromet leur capacité à faire des choix éclairés et à adopter des comportements de prévention adaptés.
Le rapport alerte également sur le manque d’information sur les risques sur les étiquettes des médicaments opioïdes, contribuant à une mauvaise compréhension des dangers potentiels. Enfin, s’agissant des substances illicites, les rapporteuses attirent l’attention sur l’arrivées de puissants opioïdes de synthèse sur le territoire français et européens, tels que les nitazènes, en lien avec une modification profonde du marché de l’héroïne.
Télécharger la synthèse du rapport « Opioïdes en France : état des lieux, risques émergents et stratégies de prévention »
Pour éviter une crise, un système d'addictovigilance solide
La France dispose déjà d’outils pour éviter une crise des surdoses. Malgré l’augmentation des prescriptions, plusieurs garde-fous sont en place : interdiction de la publicité, encadrement strict de la promotion des traitements auprès des professionnels de santé, etc.
Le réseau d’addictovigilance permet de suivre en temps réel l’évolution des usages et des mésusages. Il joue un rôle central dans le déclenchement d’alertes en cas de situation préoccupante. Ce réseau est également un acteur clé dans la surveillance des substances illicites, en lien avec les structures d’addictologie et leurs dispositifs d’analyse de drogues.
Vingts recommandations pour prévenir une crise
Pour renforcer la capacité du pays à prévenir les surdoses et limiter les risques d’addiction, les rapporteuses formulent vingt propositions réparties sur trois axes :
- Améliorer la prise en charge de la douleur : élaborer une nouvelle feuille de route dédiée au traitement de la douleur, incluant le renforcement des structures spécialisées en douleur chronique et une meilleure coordination des acteurs de soins.
- Renforcer les politiques de réduction des risques : faciliter l’accès aux traitements agonistes opioïdes (TAO), promouvoir l’autonomisation des usagers, et mieux faire connaître les dispositifs de réduction des risques existants (analyse de drogues, programmes de formation à la prévention des surdoses, usage de la naloxone). L’objectif est d’atteindre tous les publics concernés et de réduire la stigmatisation des usagers pour améliorer l’accès aux soins.
- Former les professionnels et faire évoluer les pratiques : intégrer les enjeux de la douleur et de l’addiction dans les formations initiales des professionnels de santé, et renforcer la diffusion des bonnes pratiques concernant la prescription d’opioïdes.