Annulation de la halte soins addictions de Marseille : quand le nouveau gouvernement s’assoit sur la santé… et la tranquillité publique

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Article rédigé par Benjamin Tubiana-Rey 18 janvier 2024
La Provence a appris hier, mercredi 17 janvier, que « l’État a émis un avis défavorable au projet » d’ouverture d’une halte soins addictions (HSA) au 110, boulevard de la Libération à Marseille. Une décision surprenante qui revient sur un projet pourtant validé en octobre 2023 par toutes les instances (dont les représentants de l’État…) et qui aura des conséquences non seulement sur la santé des personnes consommatrices de drogues à Marseille mais également sur la sécurité des quartiers concernés. En effet, les HSA ont un effet positif prouvé sur la tranquillité publique.

Les haltes soins addictions (HSA, anciennement « salles de consommation à moindre risque ») sont un dispositif de santé publique inscrit dans la loi depuis 2016. Elles doivent permettre aux personnes consommant des drogues dans la rue, un public souvent très précaire, de consommer dans un espace plus sécure, afin non seulement de limiter les risques pour leur santé mais également de réduire les nuisances des consommations de rue pour les quartiers concernés. 

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Un projet pourtant déjà validé par l’ensemble des parties prenantes… dont l’État

Le projet de HSA de Marseille a fait l’objet d’un travail de plus de deux années avec l’ensemble des autorités en charge de la question (préfecture des Bouches-du-Rhône, agence régionale de santé de Provence-Alpes-Côte d’Azur, ville de Marseille, tribunal judiciaire de Marseille et Assistance publique-Hôpitaux de Marseille) et les associations et professionnels concernés. Il a abouti en octobre 2023 à un projet prévoyant l’implantation de ce dispositif au 110 boulevard de la Libération (4e arrondissement).

Le revirement, selon La Provence, des ministères de la Santé, de l’Intérieur et de la Justice malgré le travail effectué et l’avancée du projet est un coup dur porté aux équipes des professionnels de terrain qui se sont engagés sur cette question et qui sont prêts à l’ouverture de la HSA dans les prochains mois : le recrutement d’équipe était en cours, le projet architectural est finalisé et les travaux prêts à démarrer dès janvier. Cette décision aura des conséquences non seulement sur la santé des consommateurs de rue — qui n’auront d’autre choix que de continuer à consommer dans l’espace public, avec tous les risques que cela suppose — mais également pour la tranquillité des riverains.

En effet, les HSA ont fait l’objet d’une évaluation rigoureuse et indépendante : si, sur le plan sanitaire, les résultats montrent que leurs usagers sont moins susceptibles que les usagers de drogues qui ne les fréquentent pas de déclarer des pratiques à risque d’infection (VIH, hépatite C), d’avoir des abcès, d’avoir une surdose ou encore de devoir aller aux urgences, les HSA ont également un effet positif sur la tranquillité publique. Non seulement les consommateurs de drogues qui fréquentent la HSA sont moins susceptibles de consommer dans l’espace public mais ils commettent en moyenne moins de délits. Par ailleurs, l’étude des traces de consommation (seringues, emballages de médicaments, etc.) autour de la HSA de Paris a mis en évidence une diminution significative des seringues abandonnées dans l’espace public : leur nombre a été divisé par 3 depuis l’ouverture de la salle.

Le travail des professionnels méprisé

Depuis plusieurs mois, les acteurs de terrain redoublent d’efforts non seulement pour préparer l’ouverture de la HSA mais également pour informer les Marseillais. Réunis au sein d’un groupe de pilotage stratégique (Addiction Méditerranée, AIDES, ASUD Mars Say Yeah, association Vers Marseille sans sida et sans hépatites, l’AP-HM, Bus 31-32, le Groupe SOS, Médecins du monde, Nouvelle Aube et le laboratoire SESSTIM), ils mènent de nombreuses actions auprès des riverains :

  • Communiqués de presse dès octobre 2023 et création du site internet ferryb-marseille.fr,
  • Sorties dans le quartier, souvent accompagnés d’élus du secteur, et porte-à-porte auprès des commerces,
  • Publication et diffusion d’une brochure expliquant les origines du projet de HSA et son fonctionnement,
  • Création d’un numéro vert en novembre 2023 à destination des riverains qui se poseraient des questions sur le projet,
  • Organisations de réunions d’information en lien avec la ville de Marseille :
    • Les 6 et 7 novembre une réunion avec les comités d’intérêt de quartier (CIQ) et deux réunions avec les associations de parents d’élèves,
    • Les 11 et 13 décembre, deux réunions publiques réunissant chacune une centaine de riverains de la future HSA.

« Par ce virement sans explication, quelques jours à peine après son entrée en fonction, le gouvernement envoie un très mauvais signal aux professionnels de l’addictologie. La Fédération Addiction va solliciter un rendez-vous auprès des ministres concernés afin d’obtenir des explications. Nous appelons par ailleurs la ville de Marseille à renouveler son engagement sur ce dossier. »
Jean-Michel Delile, président de la Fédération Addiction

Dans l’attente, la Fédération Addiction continuera de soutenir ses adhérents et partenaires marseillais.

Contact presse

Benjamin Tubiana-Rey
responsable plaidoyer et communication
b.tubiana-rey@federationaddiction.fr
06 15 62 81 08