La réduction des risques dans les centres d’hébergement : un état des lieux

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Article rédigé par Marie Dumoulin 6 mars 2023
Ces dernières années, la réduction des risques (ou RdR) s'est développée dans certaines structures de l’accueil-hébergement-insertion. La Fédération Addiction et la Fédération des acteurs de la solidarité ont interrogé plusieurs centaines de professionnels : l’état des lieux ainsi dressé montre des dynamiques positives… qui souffrent toutefois d’un manque de moyens.

Les publics en situation de précarité sont particulièrement touchés par les pratiques addictives. Pendant longtemps, les centres d’hébergement qui les accueillent ont mis en place une interdiction de consommation d’alcool ou d’autres substances. Cette situation est toutefois en train de changer : une dynamique de réduction des risques émerge peu à peu dans les établissements. 

En 2022, la Fédération Addiction a mené durant un an un projet portant sur la réduction des risques dans le secteur de l’accueil-hébergement-insertion, en partenariat avec la Fédération des Acteurs de la Solidarité et avec le soutien de la Fondation de France.  

Durant ce projet, une enquête a été diffusée à l’ensemble des deux réseaux. 227 professionnels travaillant au sein des secteurs de l’accueil-hébergement-insertion et de l’addictologie y ont répondu. 15 webinaires ont également été réalisés : ils ont réuni 717 participants et intervenants.  

En se basant sur les résultats de l’enquête et les wébinaires, les deux fédérations ont rédigé un rapport qui dresse un état des lieux des pratiques de réduction des risques dans le secteur de l’accueil hébergement Insertion.  

Une logique d’interdiction des consommations qui trouve ses limites

Les professionnels de l’accueil-hébergement-insertion constatent des consommations et des pratiques diverses au sein de leurs établissements.  

En découlent des problématiques variées, les plus prégnantes étant celles qui affectent le parcours des résidents-usagers. Les problématiques plus aigües (tensions, overdoses) sont moins fréquentes mais les professionnels témoignent ne pas être outillés ou formés pour y faire face.  

Les interdictions de produits licites ne sont plus majoritaires mais restent fréquentes notamment sur les lieux collectifs. 43 % des établissements n’autorisent aucune consommation dans les parties communes. 

Les professionnel constatent que les interdictions en vigueur présentent de nombreuses limites : surconsommation à l’entrée, tabou, voire exclusions, ce qui fragilise l’accueil inconditionnel des personnes déjà vulnérables.  

Les pistes d’actions sont nombreuses et présentent des effets concrets même si des difficultés persistent

Afin d’améliorer l’accueil inconditionnel des personnes consommatrices, les établissements mettent en place une grande diversité d’actions : évolution des pratiques quotidiennes, actions collectives ou individuelles… ce qui peut aller jusqu’à induire des changements de positionnement institutionnels et la levée des interdictions. 54 % des répondants déclarent ainsi que leur règlement intérieur a évolué pour mieux encadrer les consommations.

Les professionnels témoignent de la difficulté à trouver un positionnement notamment par rapport à la distinction entre substances licites et illicites et la complexité d’assurer la cohabitation entre des personnes aux profils variés. Pour cela ils soulignent la nécessité d’anticiper les changements, d’associer toutes les personnes de l’établissement et la plus-value de la reconnaissance institutionnelle.

Si des difficultés persistent (notamment en ce qui concerne la question des comorbidités psychiatriques), les professionnels témoignent toutefois des nombreuses plus-values apportées par des démarches de réduction des risques en hébergement : libération de la parole autour des consommations, sécurisation des consommations, amélioration du lien avec les professionnels et entre hébergés, limitation des ruptures de parcours, etc.

Les partenariats avec des acteurs de l’addictologie offrent des avantages réciproques mais souffrent de moyens insuffisants

Plus de deux tiers des répondants (de l’AHI comme de l’addictologie) participent à des actions de RDR avec un partenaire. Les partenariats mis en place recouvrent des actions diversifiées et attestent d’une dynamique récente sur le sujet.

Les professionnels des deux secteurs soulignent les avantages de ces partenariats tant du point de vue du partage de connaissances et des pratiques que de l’élaboration d’une culture et d’actions communes. L’accompagnement des usagers en est ainsi facilité pour le soin comme pour l’hébergement.

Enfin, au vu des besoins et des disponibilités de chacun, de nouvelles collaborations sont envisageables et à développer.

Les professionnels notent cependant que les partenariats gagneraient à être consolidés que ce soit par la formalisation et le conventionnement de l’existant, par des financements dédiés ou encore par l’amélioration de la capacité des files-actives.

La dynamique d’aller-vers est donc indissociable d’une prise en compte des moyens nécessaires au fonctionnement structurel des établissements.

Télécharger l'état des lieux complet