À Toulouse, un programme au croisement de la prévention des addictions et de la délinquance des jeunes
Fédération Addiction : Pouvez-vous présenter le programme MPARRI ?
Sabine : Le programme MPARRI (Médiation, Prévention, Accès au soin, Réduction des Risques vers l’Insertion) a vu le jour en 2019 dans certains quartiers puis a évolué en 2022 pour englober l’ensemble des quartiers prioritaires de Toulouse. Ses objectifs sont de créer une culture commune avec les professionnels qui travaillent avec le public cible, et de mettre en place des projets autour de la prévention des conduites addictives, de l’accès aux soins et de la réduction des risques. Il vise toute personne mineure ou majeure, seule, en couple, avec ou en sans enfant, se questionnant sur ses consommations, comportements ou ceux de son entourage, tout particulièrement ceux qui peuvent entraîner une addiction (alcool, tabac, jeux d’argent et de hasard, paris sportifs, cannabis…). Le programme est financé par l’Agence Régionale de Santé, la mairie de Toulouse, la préfecture, la Mildeca et le Fonds interministériel de prévention de la délinquance.
Fédération Addiction : Concrètement, comment travaillez-vous sur le terrain ?
Sabine : Nous collaborons avec les équipes des clubs de prévention, des accueils jeunes, des associations sportives et culturelles, les Maisons Des Solidarités (MDS) ou encore les professionnels de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ). Nous créons des partenariats avec l’idée de mailler sur l’ensemble du territoire.
Pour les professionnels, nous proposons des espaces de réflexion, notamment à travers les « plateformes » trimestrielles sur des thématiques comme la santé mentale ou la prostitution des mineurs toujours en lien avec les conduites addictives. Elles réunissent aujourd’hui environ 130 participants et sont accessibles en ligne. La prochaine aura lieu le 8 décembre, sur le thème « Jeux de hasard et d’argent, du loisir au pathologique ».
Aussi, La Réduction des Risques (RdR) est une des principales valeurs de l’association et elle est présente dans toutes nos modalités d’intervention. Par exemple, un groupe de travail s’est constitué il y a quelques années avec des acteurs de terrains volontaires, pour travailler sur la Réduction des Risques, et notamment sur la prévention de l’engagement des jeunes dans le trafic de drogues. Ce groupe a créé et diffusé un outil, le traficomètre, conçu sur le modèle d’un violentomètre, que l’on trouve désormais libre accès en club de prévention, en centre social, en accueil jeunes et sur le site de la mairie de Toulouse et de l’association régionale Clémence Isaure.
Fédération Addiction : Auprès des jeunes, quelles actions menez-vous ?
Sabine : Un des objectifs du programme est de permettre l’accès aux soins à travers les Consultations Jeunes Consommateurs (CJC), gratuites, confidentielles et anonymes, ouvertes aux mineurs, aux jeunes majeurs et à leur entourage. Nous accueillons en CJC au siège de l’association régionale Clémence Isaure, mais nous avons aussi mis en place grâce à des partenariats des permanences au sein des lycées professionnels, les centres de formation des apprentis, les habitats jeunes ou encore les Maisons Des Solidarités.
Damien Ricoux : Nous coordonnons également des projets collectifs co-construits avec les structures partenaires, à partir de leurs besoins. Par exemple, un atelier de fabrication de jeux vidéo en carton pour aborder les usages d’écrans, ou des ateliers graph’ pour traiter la consommation de cannabis de manière détournée. Chaque projet est unique, adapté à la structure et au public.
Sabine : Oui, nous ne dupliquons jamais de projet : tout est co-construit. À partir du moment où c’est co-construit, l’engagement et l’implication sont différents et nous répondons ainsi au plus près des besoins des équipes et du public.
Fédération Addiction : Quels sont les principaux effets positifs du programme ?
Sabine : L’évaluation a montré une augmentation de la fréquentation des CJC, signe que les jeunes se saisissent du dispositif, et aussi davantage de sollicitations des acteurs de terrain. Les actions transversales comme l’accès aux soins, les plateformes ou les sensibilisations sont bien identifiées et répondent à un réel besoin.
De plus, nous avons à la fois de nouveaux partenariats qui se mettent en place, et des partenariats que l’on avait mis en place il y a quelques années qui se sont fidélisés. Cette fidélisation nous permet d’avoir une présence régulière auprès du public. Par exemple, le travail de rue, mené en co-animation avec les équipes des clubs de prévention, nous permet d’être repérés par les jeunes et de leur ouvrir l’accès aux soins. Construire un lien de confiance avec eux nécessite du temps et de la constance.
Fédération Addiction : Quels obstacles rencontrez-vous aujourd’hui ?
Sabine : Depuis le lancement du programme, notre équipe dispose de 2,6 équivalents temps plein. Au fil des années, le dispositif s’est structuré et développé, entraînant une augmentation significative des sollicitations, sans pour autant que nos effectifs évoluent. Par ailleurs, nous avons dû faire face à une baisse de nos subventions.
Damien Ricoux : Cela demande une grande adaptabilité dans notre manière de travailler avec les différentes structures et partenaires !