Samuel Bloch ou le savoir expérientiel au service de l’innovation thérapeutique

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Article rédigé par Léa Montagnier 4 septembre 2025
Après avoir vécu plus de 20 ans avec une addiction, Samuel Bloch entame un parcours de sevrage. Amateur de plongée sous-marine, il réalise au fil du temps qu’elle peut être bien plus qu’un loisir : un véritable outil thérapeutique. Aujourd’hui patient-expert en addiction et moniteur de plongée professionnel, il nous raconte comment le savoir expérientiel a toute sa place dans l’innovation thérapeutique.

Bonjour Samuel, pouvez-vous présenter votre parcours en quelques mots ?

Samuel Bloch : Je suis moniteur professionnel de plongée et patient-expert en addiction. Depuis un peu plus de deux ans, je travaille avec un protocole de gestion du stress par la plongée sous-marine qui s’appelle Bathysmed. En effet, lorsque j’ai décidé d’entamer mon processus de sevrage en participant à des groupes d’auto-support, j’ai commencé la plongée sous-marine. Très vite, j’ai constaté à à quel point cette pratique m’apportait : apaisement, recul, meilleur rapport à moi-même… Même sans le protocole Bathysmed, que je ne connaissais pas encore, les bienfaits étaient là. La plongée est donc devenue plus qu’un hobby : un vrai outil pour aller mieux. Elle me permettait de me reconnecter à moi-même, et surtout, de couper avec les pensées parasites et obsessionnelles qui viennent avec l’addiction et le processus de sevrage.

Qu’est-ce que « le protocole Bathysmed » que vous mobilisez dans votre approche ?

Samuel Bloch : C’est un protocole à visée thérapeutique initialement développé pour gérer le stress post-traumatique, centré autour de la plongée sous-marine. Une séance se déroule en trois temps, et comprend notamment des exercices qui s’appuient sur des techniques qui ont déjà fait leurs preuves. D’abord, au bord de l’eau : concentration, méditation, ancrage dans le moment présent. Ensuite, à la surface de l’eau : flottaison, respiration, changement de référentiel. Enfin, en immersion sous l’eau : conscience corporelle dans un environnement en 3D, visualisation, cohérence cardiaque, exercices psychomoteurs…

La particularité de cette approche, c’est que l’immersion sous l’eau amplifie l’impact thérapeutique : les effets des techniques sont plus intenses et durent plus longtemps. L’immersion elle-même a un apport unique : on est coupé du monde extérieur, proche de la méditation profonde. On se reconnecte : à soi, à ses sensations, à la nature. On retrouve un rythme plus lent. C’est pour cela qu’un des exercices qui me parle le plus, c’est celui du « ne rien faire » : se poser au fond de l’eau, rester immobile, accepter l’inaction. Pour beaucoup de personnes concernées par l’addiction, c’est un vrai défi, car on est habitué à combler chaque instant.

Un des exercices qui me parle le plus, c’est celui du « ne rien faire » : se poser au fond de l’eau, rester immobile, accepter l’inaction. Pour beaucoup de personnes concernées par l’addiction, c’est un vrai défi, car on est habitué à combler chaque instant.

Pouvez-vous nous en dire plus sur les bienfaits thérapeutiques spécifiques à l’addiction ?

Samuel Bloch : Puisqu’à l’origine, le protocole Bathysmed a été conçu pour travailler sur le stress post-traumatique, il intègre un important volet autour de la physiologie et de la psychologie du stress. C’est ce « facteur stress » qui m’a tout de suite parlé : j’ai compris pourquoi, sous l’eau, j’arrivais à couper net avec l’angoisse, les pensées envahissantes et les envies de consommer. Le lien entre stress et addiction est évident – le stress agit comme un moteur : plus il est élevé, plus les compulsions se renforcent. Avec le protocole Bathysmed, on ne cible donc pas directement l’addiction, mais on agit sur ce moteur essentiel. Et c’est déjà énorme, parce que réduire le stress, c’est aussi réduire l’envie de consommer. En fin de séance, je vois souvent que les visages sont détendus, que la respiration est plus ample. Ce sont des signes qui traduisent un sentiment de calme et de présence à soi qui, pour certaines personnes, est assez inédit.

Le lien entre stress et addiction est évident – le stress agit comme un moteur : plus il est élevé, plus les compulsions se renforcent. (...) En fin de séance, je vois souvent que les visages sont détendus, que la respiration est plus ample. Ce sont des signes qui traduisent un sentiment de calme et de présence à soi qui, pour certaines personnes, est assez inédit.

Pourquoi avoir choisi de devenir « patient-expert » ?

Samuel Bloch : Au départ, je ne pensais pas devenir patient-expert : j’étais « simple » moniteur Bathysmed. Mais je sentais que ça ne me correspondait pas complètement, il me manquait un vrai sentiment de légitimité. J’ai découvert la formation de « patient-expert addiction » proposée par la FPEA et je me suis lancé. C’est sensiblement la même chose que « médiateur santé pair » mais sous un nom différent. Pendant un an, j’ai donc suivi des cours, fait des stages, et validé mes compétences. Au-delà de mon rapport à moi-même, ça a changé la façon dont les autres professionnels du soin perçoivent mon travail. Et aujourd’hui, être patient-expert, pour moi, c’est d’abord transmettre : partager mon expérience de 25 ans de consommation active et les outils qui m’ont aidé. C’est aussi donner un sens à mon parcours, et l’intégrer pleinement dans ma vie professionnelle. Et enfin, c’est la liberté d’inventer ma propre manière de le faire !

Ce qui m’anime, c’est de transmettre mon expérience, sans pour autant l’imposer comme une seule vérité. Je crois beaucoup à la force du vécu. Ma phrase clé, c’est : « si ça a marché pour moi, ça peut marcher pour vous ».

Quelles sont vos perspectives pour la suite ?

Samuel Bloch : Actuellement, je développe la sensibilisation et la formation en entreprise et le partenariat avec des acteurs de la santé. Je présente Bathysmed à différentes structures médico-sociales pour voir comment l’intégrer dans les prises en charge. À plus long terme, j’aimerais aider à créer un protocole Bathysmed dédié à l’addiction, lancer des essais cliniques pour valider son efficacité, et former davantage de moniteurs. Et plus largement, ce qui m’anime, c’est de transmettre mon expérience, sans pour autant l’imposer comme une seule vérité. Je crois beaucoup à la force du vécu. Ma phrase clé, c’est : « si ça a marché pour moi, ça peut marcher pour vous ».

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