« Pour prévenir les surdoses, l’écoute et l’éducation thérapeutique du patient sont essentielles »

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Article rédigé par Pauline Amadé Dimitrov 8 août 2025
Françoise Etchebar, médecin généraliste et addictologue, exerce au CSAPA CEID Béarn Addictions à Pau. Elle est également co-référente du pôle MG Addiction, qui regroupe les médecins libéraux adhérents de la Fédération Addiction. Avec elle, nous faisons le point sur les surdoses et leur prévention.

Qu'est-ce qu'une surdose ? En quelques mots ?

Faire une surdose, c’est simplement prendre une substance à une dose supérieure à celle qui peut être tolérée par l’organisme. Cette dose n’est pas fixe : cela peut varier selon les personnes. Ces surdoses entrainent des signes cliniques et des dommages plus ou moins importants et certaines doses excessives peuvent aller jusqu’à entrainer la mort.

Peut-on faire une surdose avec n'importe quel type de produits ? Et si oui : les symptômes sont-ils différents ?

Oui tout à fait ! On parle souvent des surdoses avec les opiacés mais il est possible de faire une surdose avec d’autres produits, comme la cocaïne et les psychostimulants en général, ou des surdoses médicamenteuses, avec les benzodiazépines par exemple.

En ce qui concerne les symptômes, ils peuvent varier selon les substances.

Pour les opiacés, les symptômes sont les mêmes qu’ils s’agissent de substances légales, comme les opioïdes antalgiques sur ordonnance ou les médicaments substitutifs aux opioïdes (méthadone), ou illégales, tels que l’héroïne et les autres opiacés de rue. Ces symptômes sont dus à l’effet dépresseur du système nerveux central. Ils se manifestent par :

  • une sédation, avec perte de vigilance : la personne n’a pas de réaction quand on lui parle, on a une somnolence qui peut aller jusqu’à inconscience
  • des troubles respiratoires : la personne a du mal à respirer, ses lèvres et l’extrémité de ses doigts peuvent devenir bleus
  • un ralentissement du rythme cardiaque, une hypotension
  • une peau froide et moite

Tous ces signes pouvant aller jusqu’au coma avec myosis bilatéral (rétrécissement de la pupille)

Pour les psychostimulants en revanche, il n’y a pas vraiment de symptômes communs. Les surdoses sont souvent dose-dépendantes. Les symptômes varient selon les substances, mais on trouve :

  • des signes respiratoires graves,
  • des signes neurologiques (AVC),
  • des signes cardio-vasculaires, dont l’ infarctus du myocarde-embolie pulmonaire-embolie veineuse périphérique,
  • des signes psychiatriques, comme l’attaque de panique-agitation ou le risque suicidaire pour la cocaïne en descente.

Et les consommations associées, dont l’alcool et les benzodiazépines, ont un rôle dans les risques de surdoses.

Ce qu’il faut surtout retenir c’est que pour tout signe inquiétant chez une personne, de toute façon, il faut l’emmener aux urgences !

Justement, que faire si on pense qu’un proche fait une surdose ?

En premier lieu, il faut toujours appeler les secours ! Même si la substance consommée est illégale : une vie est en jeu.

Ensuite, dans le cas des opiacés, si on sait que la personne a l’habitude d’en consommer ou si on en retrouve à proximité d’elle et qu’on reconnait les symptômes d’une surdose aux opiacés, il faut lui administrer de la naloxone. À noter : on peut s’en procurer sans ordonnance à la pharmacie, sous forme injectable.

Quel rôle peuvent jouer les professionnels de santé dans la prévention des surdoses ?

Tout d’abord, pour les médecins généralistes, qui sont souvent prescripteurs notamment d’antalgiques opioïdes, il faut prendre le temps de faire l’éducation thérapeutique du patient : lui parler du risque de mésusage et de surdoses, expliquer les symptômes et prescrire de la naloxone. Et s’il y a renouvellement du traitement, il faut également penser à renouveler la naloxone qui peut se périmer.

En fait, dès qu’il y a consommation d’opiacés, qu’il s’agisse de substance prescrite ou que le patient se procure dans la rue, il faut prescrire régulièrement des kits de naloxone. Je les prescris de préférence en spray, qui est une forme plus facile à utiliser et que l’on peut aussi utiliser sur les enfants en cas de surdose par consommation accidentelle.

Et de manière générale, si on a dans ses patients des consommateurs de substances, il faut être à l’écoute et les inviter à parler de leurs expériences. Il a beaucoup de patients qui ont eu des expériences de surdoses, qui n’ont pas été mortelles, mais il faut les aider à repérer les symptômes pour qu’ils puissent les identifier si ça leur arrive une prochaine fois. C’est souvent le cas des consommateurs de GHB/GBL, qui ne considèrent pas le « G-hole » comme une surdose alors que c’en est une. Il faut aussi les sensibiliser sur l’impact des mélanges de substances, les médicaments associés à l’alcool par exemple. Par exemple, pour un consommateur de cocaïne, il faut interroger sur les substances qui sont prises dans la descente : c’est là que l’on peut apprendre qu’il prend aussi de l’alcool, des opiacés ou des benzodiazépines.

Une autre chose importante, c’est d’encourager les patients à faire analyser ce qu’ils consomment car souvent ils n’ont pas conscience de la composition exacte de ce qu’ils prennent et notamment des produits de coupes utilisés… et qui peuvent aussi entrainer des surdoses.