L’impact négatif de la guerre contre la drogue sur la santé publique : l’épidémie cachée d’hépatite C

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Article rédigé par Fédération Addiction 30 mai 2013

La Global Commission on Drug Policy a présenté lors d’une conférence de presse le 30 mai 2013 à Genève son nouveau rapport (en anglais) sur l’impact négatif de la criminalisation de l’usage de drogues sur la « bombe virale à retardement » qu’est l’épidémie d’hépatite C. La maladie touche particulièrement les usagers injecteurs de drogues, notamment dans les pays où la guerre à la drogue est la plus marquée.

Le rapport, intitulé « L’impact négatif de la guerre contre la drogue sur la santé publique : l’épidémie cachée d’hépatite C », dénonce l’échec des politiques répressives en matière de drogues et recommande des réformes immédiates du régime international de prohibition des produits afin de stopper la propagation de l’épidémie d’hépatite C et des autres conséquences négatives de la « guerre contre la drogue ».

Partout dans le monde, la recherche a montré de façon constante que les politiques répressives en matière de drogues poussent les usagers à la marginalisation, augmentant les risques de contraction du VIH et du VHC et les empêchant d’accéder aux services de santé publique.

Consulter le communiqué de presse (français)

Télécharger le rapport sur le site de la Global Commission (en anglais)

Résumé du rapport

L’hépatite C est une infection virale chronique, fortement répandue, qui pose des problèmes majeurs de type économique, social et sanitaire, particulièrement dans les pays à bas et moyen revenus. Bien que l’épidémie mondiale d’hépatite C ait été décrite par l’Organisation Mondiale de la Santé comme « une bombe à retardement virale », elle ne reçoit toujours pas l’attention requise.
L’accès aux services de prévention demeure insuffisant, tandis que les diagnostics et les traitements restent inaccessibles pour la plupart des personnes dans le besoin, en raison de leur coût prohibitif.
La reconnaissance publique du problème et la volonté politique manquent, alors que les
programmes nationaux de gestion de l’épidémie restent l’exception.
Le virus de l’hépatite C est robuste et il est très facilement transmis par contact sanguin. Cette épidémie connaît par conséquent une très forte progression chez les injecteurs de drogues : on estime à 10 millions (sur une population de 16 millions) le nombre de consommateurs qui vivent avec le virus. Dans les pays les plus répressifs, la plupart des injecteurs de drogues sont touchés ; c’est le cas en Thaïlande ou de certaines régions de la Fédération de Russie, qui connaissent des taux de plus de 90% d’infection.
Le virus de l’hépatite C est très handicapant et pour un quart des malades infectés, l’issue sera fatale.
Il devient donc une cause croissante de mort prématurée chez les injecteurs de drogues.
Globalement, la plupart des consommateurs malades du SIDA sont aussi infectés par l’hépatite C. Les dispositifs de réduction des risques – comme la mise à disposition d’aiguilles et de seringues propres ainsi que les thérapies de substitution aux opiacés – peuvent efficacement empêcher la transmission de l’hépatite C parmi les injecteurs de drogues, à condition que ces mesures soient accessibles et mises en oeuvre à grande échelle.
Au lieu d’investir dans une prévention efficace et dans des programmes de traitement pour atteindre ces objectifs, les gouvernements continuent à gaspiller des milliards de dollars chaque année pour la répression et l’incarcération des consommateurs de drogues. Il s’agit d’une dilapidation de ressources limitées qui pourraient être beaucoup plus efficacement utilisées pour la santé publique et les approches préventives. Par ailleurs, les politiques répressives antidrogues ont accentué et empiré la stigmatisation, la discrimination et l’incarcération massive des usagers de drogues. La tendance à la primauté de la répression explique que les nouveaux cas d’infection à l’hépatite C
n’ont pas connu, parmi les consommateurs de drogues, de diminution massive. Cet échec des gouvernements à contrôler cette épidémie est lourd de conséquences en termes de coûts futurs pour la santé et l’assistance sociale dans de nombreux pays.
En 2012, la Commission globale de politiques en matière de drogue a publié un rapport qui souligne à quel point « la guerre contre la drogue » a contribué à l’explosion de l’épidémie du SIDA parmi les injecteurs de drogues. Le présent rapport attire l’attention sur l’hépatite C comme autre danger d’épidémie mortelle massive pour cette population. Le rapport fournit une brève vue d’ensemble du virus de l’hépatite C avant d’explorer les raisons de l’échec à endiguer cette épidémie, dans la logique actuelle de la « guerre contre la drogue ».
Le silence sur les dégâts collatéraux majeurs des politiques répressives sur les drogues a été rompu.
Elles sont inefficaces, violent les droits humains fondamentaux, engendrent la violence et exposent les individus et les communautés à des risques inutiles. L’épidémie d’hépatite C en fait partie alors que cette maladie est évitable et curable à condition que la santé publique soit au coeur des politiques publiques en matière de drogues. Le temps d’une réforme en profondeur de ces politiques est arrivé.

Les recommandations de la Global Commission

● Les gouvernements doivent publiquement reconnaître l’ampleur de l’épidémie d’hépatite C et les coûts que cela induit en particulier pour les consommateurs de drogues, tant au niveau économique, que social et humain.
● Les gouvernements doivent reconnaître que les politiques en matière de drogues dominées par des pratiques d’application stricte de la prohibition favorisent la diffusion de l’hépatite C (au même titre que le VIH et autres dommages sur la santé). Elles exacerbent la marginalisation sociale des usagers de drogues et mettent en péril leur accès aux services de réduction des risques et de traitement.
● Les gouvernements doivent donc réformer les politiques drogues existantes, en mettant un terme à la criminalisation et à l’incarcération massive des usagers de drogues ou aux traitements forcés contre la dépendance.
● Les gouvernements doivent immédiatement rediriger les ressources de la « guerre contre la drogue » vers des approches de santé publique qui maximisent la prévention et l’accès au traitement de l’hépatite C, en collaboration avec les groupes les plus touchés.
● L’efficacité des politiques drogues doit être mesurée avec des indicateurs qui ont du sens pour les communautés affectées par l’épidémie, comme par exemple, le taux de transmission du VIH et de l’hépatite C, une baisse de la mortalité, un accès accru aux services, une réduction de la violence liée aux marchés de la drogue et une diminution des violations des droits de l’homme et des incarcérations liées aux drogues.
● Les gouvernements doivent lever toute restriction de fait ou de droit d’accès à du matériel d’injection stérile et aux autres services de réduction des risques. Ils doivent aussi garantir l’accès aux thérapies de substitution aux opioïdes, conformément aux conseils de l’Organisation Mondiale de la Santé. Il est important que ces services soient disponibles à grande échelle pour avoir un impact sur la transmission de l’hépatite C, tant au sein de la communauté que dans les lieux fermés comme les prisons.
● Les gouvernements doivent s’assurer que les usagers de drogues ne soient pas exclus des programmes de traitement, en établissant des stratégies nationales sur l’hépatite C élaborées avec la société civile – notamment avec les communautés également affectées par le VIH – ainsi qu’avec les acteurs concernés de la santé publique, de la politique sociale, de la politique drogue et de la justice pénale.
● Les gouvernements doivent améliorer la qualité et la disponibilité de données sur l’hépatite C, en renforçant les systèmes de surveillance et d’évaluation. Ceci contribuera à une prise de conscience politique et publique de la gravité de l’épidémie.
● Les gouvernements doivent augmenter leurs efforts pour réduire le coût des traitements de l’hépatite C – ceci inclut des négociations difficiles avec les laboratoires pharmaceutiques pour assurer un accès facilité aux personnes qui en ont besoin. Les gouvernements, organisations internationales et ONG doivent s’inspirer de l’exemple réussi de réduction des coûts de traitement du VIH dans le monde entier, notamment en promouvant une plus grande flexibilité en matière de protection des brevets afin de rendre les traitements plus accessibles.
● La Commission mondiale demande aux Nations Unies de démontrer son leadership et son engagement à promouvoir des réponses nationales basées sur les principes énoncés ci-dessus.
● Agissons rapidement : la « guerre contre la drogue » a échoué et des dommages importants sur la santé publique pourront être évités si l’on agit maintenant.