Des recommandations pour la participation significative des usagers dans les projets de recherche

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Article rédigé par Tanguy Dudouet Jehasse 22 février 2023
Correlation, le réseau européen des acteurs de la réduction des risques, lance une nouvelle série de publications sur le développement des savoirs communautaires. La première se penche sur le concept de la « participation significative » (meaningful involvement) ou comment faire participer des personnes concernées à la recherche et les moyens de la mettre en place.

Participation significative (meaningful involvement) : concept et contexte

Si les recherches concernant les substances psychoactives sont anciennes et nombreuses, elles placent souvent les personnes usagères de drogues dans une position de sujet d’étude. Ces dernières sont interrogées, observées, auscultées mais rarement impliquées plus avant dans le processus scientifique. Si leurs connaissances sont prises en compte, cela se fait le plus souvent dans un but utilitariste, pour permettre aux chercheurs d’accéder à son terrain d’étude ou pour servir d’entremetteur.

A contrario, la participation significative reconnait les savoirs expérientiels des personnes usagères de drogues et cherche à les inclure à toutes les étapes du projet de recherche en leur donnant la capacité de l’influencer réellement tant dans la définition des objectifs que la méthodologie ou la diffusion des résultats.

Les principaux obstacles

Le guide produit par Correlation identifie plusieurs points centraux qui sont identifiés comme obstacles à la participation significative :

  • L’organisation : les auteurs font le constat d’un moindre respect des contraintes et disponibilités des personnes usagères de drogues, ne reconnaissant pas leur temps et leurs impératifs au même titre que ceux d’autres experts.
  • Les compensations : les chercheurs peuvent avoir tendance à ne pas offrir de compensations aux individus participant à la recherche, estimant que toute recherche est intrinsèquement intéressante pour les personnes usagères de drogues. Quand il y a rétribution, elle se fait sous certaines formes non-pécuniaires comme des bons d’achat. Cela trahit une vision assez paternaliste, les chercheurs souhaitant contrôler les types de dépenses permises.
  • La communication : le monde académique est organisé autour de processus rigoureux permettant de valider la qualification des individus et la qualité des recherches (diplômes, peer-review, etc). Les termes utilisés sont parfois peu accessibles et l’impact des travaux sur les communautés étudiées reste le plus souvent un impensé. La finalité de ces travaux diffère entre les chercheurs et les personnes concernées, les premiers ayant vocation à publier dans des journaux spécialisés quand les derniers veulent plutôt des documents accessibles au grand public.

Mettre en place la participation significative

Malgré tous les obstacles évoqués, il existe de nombreuses méthodes assurant une coproduction des savoirs avec les personnes usagères de drogues. Parmi ces possibilités, les auteurs mettent en avant la recherche-action participative comme cadre méthodologique pour garantir une pleine et entière implication des personnes concernées et des organisations communautaires.

Les caractéristiques les plus saillantes sont :

  • la collaboration entre institutions de recherche et organisations communautaires et les individus concernés,
  • la volonté d’impulser des changements par le travail de recherche, ou d’accompagner ceux en cours,
  • le statut de co-chercheur pour les personnes concernées, leur permettant de s’approprier pleinement le travail de recherche et d’apporter leur expertise dans la conception, le déroulement et la formalisation du travail scientifique.

À cette fin, les auteurs insistent sur le support que peuvent apporter les organisations communautaires. Elles présentent l’avantage de pouvoir répartir la charge de travail et éviter ainsi la saturation de quelques personnes concernées, au profit d’un collectif plus large. Elles peuvent également accompagner une montée en compétence des individus, afin que ces derniers puissent pleinement s’approprier le travail de recherche et les processus afférents, comme la publication dans un journal scientifique, et également le rendre plus accessible aux autres membres de la communauté dont ils font partie.

Recommandations

Les auteurs font enfin part de plusieurs recommandations :

  • Mettre en place des partenariats avec les organisations communautaires en amont du déroulement de la recherche, afin de s’assurer de la compatibilité des objectifs, méthodes et planning avec les réalités des personnes concernées amenée à participer.
  • Bien prendre en compte les dynamiques de pouvoirs et les obstacles systémiques quand sont définis les rôles et l’ampleur des participations, afin de ne pas reproduire des schémas de domination minorant l’expertise des personnes concernées.
  • Définir clairement ce qui est attendu des participants et ce que la recherche peut leur apporter, interroger son propre rapport à la connaissance et sa constitution.
  • Adapter la méthode et le contenu aux personnes concernées.
  • Offrir des espaces et temps permettant aux personnes concernées de développer leurs propres idées.
  • Établir clairement les dédommagements auxquels pourront prétendre les participants, offrir des options pour leur versement, couvrir l’ensemble des frais annexes et utiliser des espèces.

Télécharger le rapport « Fostering Community Knowledge » (en anglais)