Nouvelle stratégie européenne sur les drogues : quelques avancées positives mais un ensemble déséquilibré au profit du sécuritaire
Une stratégie mieux rédigée… mais qui néglige la réduction des risques
Issue des travaux de la Commission européenne et de ses consultations avec les États membres et le Forum de la société civile sur les drogues (CSFD, dont la Fédération Addiction est membre), la stratégie drogues présentée le jeudi 4 décembre par le commissaire européen aux Affaires intérieures marque une amélioration dans la qualité du discours sur la santé :
- insistance sur les pratiques de prévention et de traitement fondées sur les preuves,
- rappel du caractère volontaire des traitements,
- lutte contre la stigmatisation des personnes utilisatrices des drogues et les discriminations,
- reconnaissance explicite du rôle des organisations de la société civile.
La stratégie cite une liste de services de réduction des risques incluant des dispositifs parfois controversés dans certains États (naloxone, salles de consommation à moindre risque…). Cependant, cette reconnaissance est affaiblie par son positionnement dans le texte : la réduction des risques apparaît dans une section consacrée aux « risques » que posent les drogues à la société et à l’environnement et non dans la partie consacrée à la santé.
Ce choix est problématique car il semble réduire la réduction des risques à une logique de gestion des nuisances, en la détachant de son fondement : une approche pragmatique est efficace pour protéger la santé et les droits des personnes concernées. Le CSFD l’a fortement souligné lors des échanges avec la Commission et les États membres les 8 et 9 décembre à Bruxelles.
Une approche sécuritaire renforcée… seule accompagnée d’un plan d’action
À l’inverse des paragraphes consacrés à la santé, les parties du texte de la Commission dédiées à la réduction de l’offre et à la lutte contre les trafics tiennent peu compte des remarques de la société civile. Une approche presque totalement sécuritaire est privilégiée au détriment de questionnements sur les déterminants sociaux et économiques de l’entrée dans les trafics.
Surtout : l’aspect sécuritaire de la stratégie est la seule assortie d’un plan d’action détaillé. Ce choix crée un déséquilibre structurel, donnant un poids politique et opérationnel bien supérieur aux mesures sécuritaires, tandis que les enjeux de santé ne disposent pas de feuille de route équivalente. Des inquiétudes ont été exprimées quant à l’absence de garanties suffisantes pour la protection des droits humains.
Les États membres doivent maintenant se saisir de la stratégie publiée par la Commission européenne : plusieurs organisations de la société civile, dont le Consortium international sur les politiques des drogues et la Fédération Addiction, les appellent à rectifier le tir et à promouvoir un rééquilibrage en faveur de la prévention, des soins et de la réduction des risques.