Un rapport parlementaire invite à « inventer un modèle français de régulation des stupéfiants »
Alors que la proposition de loi sur le « narcotrafic » sera débattue en mars à l’Assemblée nationale, un rapport parlementaire présenté ce 17 février 2025 à l’Assemblée nationale fait le constat d’une politique française des drogues dans l’impasse. Rédigé par les députés Antoine Léaument (La France insoumise) et Ludovic Mendes (Renaissance), ce document met en évidence l’échec des politiques répressives et propose de revoir en profondeur la manière dont la France appréhende la consommation et le trafic de drogues.
S’appuyant sur des mois d’auditions et d’analyses, le rapport émet de nombreuses recommandations allant de l’amélioration de la lutte contre les trafics jusqu’au renforcement des moyens de prévention en passant par la fin de la stigmatisation et de la pénalisation des consommateurs.
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Une remise en cause de la politique répressive
Antoine Léaument et Ludovic Mendes pointent du doigt l’inefficacité des sanctions pénales appliquées aux consommateurs, notamment l’amende forfaitaire délictuelle instaurée en 2020. Cette mesure, censée désengorger les tribunaux et dissuader l’usage, n’a ni réduit la consommation ni freiné le trafic, selon les auteurs. « L’approche punitive n’a pas démontré son efficacité. Il est temps de réfléchir à une autre stratégie », écrivent-ils.
Les parlementaires préconisent de supprimer les sanctions pénales pour usage simple et d’orienter les consommateurs vers des dispositifs de prévention et de soin. Une évolution qui rejoint les positions du Collectif pour une nouvelle politique des drogues (CNPD) dont fait partie la Fédération Addiction et qui milite depuis plusieurs années pour une dépénalisation de l’usage et un renforcement des moyens de la prévention, du soin et de la réduction des risques. Cette approche s’inspire de modèles étrangers comme celui du Portugal, où la dépénalisation des usages de drogues en 2001 a permis de réorienter les consommateurs vers des parcours de soins plutôt que vers la justice. Le rapport souligne que cette politique a conduit à une baisse des surdoses et des infections liées aux usages à risque.
Le rapport appelle également à engager une « une démarche participative (débat public, référendum) autour de l’encadrement du cannabis permettant aux citoyens de s’informer sur le sujet et de participer à la définition des contours d’un nouveau modèle de régulation ». Ce modèle devrait avoir pour priorité la réduction des risques pour les consommateurs et le transfert des usagers du marché illégal vers le marché légal.
Régulation, dépénalisation : les choses bougent
Le rapport Léaument-Mendes est publié alors que le débat sur l’encadrement des produits stupéfiants avance en France :
- en 2023, le Conseil économique social et environnemental appelait dans un avis à une légalisation encadrée du cannabis ;
- en février 2025 au Sénat, la sénatrice Anne Souyris a déposé une proposition de loi dépénalisant l’usage de drogues en s’inspirant du modèle portugais ;
- dans le même temps, plusieurs députés ont déposé une proposition de loi à l’Assemblée nationale « visant à supprimer les sanctions pénales liées à l’usage simple de stupéfiants ».
Développer la prévention
Enfin, le rapport n’oublie pas l’enjeu de la prévention et formule plusieurs propositions afin de « construire une politique de prévention de l’usage des stupéfiants ambitieuse ». Les députés souhaitent notamment « développer les programmes de renforcement des compétences psychosociales auprès de la jeune population, notamment au sein des écoles, collèges et lycées et garantir le financement suffisant de ces derniers. »