Réguler la MDMA ? Une exposition à Gand explore trois scénarios concrets
Un concept venu des Pays-Bas, adapté au contexte belge
La XTC Expo est une adaptation belge du concept néerlandais de la « XTC Shop », imaginé en 2022 par le Poppi Drugs Museum et des chercheurs de l’université d’Utrecht. À Gand, l’initiative a été portée par le collectif citoyen et expert SMART on Drugs, avec le soutien de la ville via son programme « Samen aan zet » (« Agir ensemble »).
Afin de désamorcer les polémiques potentielles, les organisateurs ont délaissé le terme de « boutique » au profit de celui d’« expo ». Contrairement à ce que son nom pourrait laisser croire, aucun produit n’y était vendu. Le projet visait à illustrer concrètement des modèles de régulation du marché de la MDMA afin de nourrir le débat public.
Une immersion dans trois mondes réglementés
L’exposition proposait une expérience immersive en quatre temps : une introduction sur les conséquences des politiques de prohibition, suivie de trois scénarios de vente réglementée.
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La smartshop : une boutique colorée, façon commerce de détail, où l’on découvrait des formes variées de MDMA (fictives) et des menus guidant le choix du consommateur.
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La pharmacie : dans un décor clinique, les visiteurs recevaient un faux emballage de MDMA accompagné d’une notice d’information.
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Le club : recréant l’ambiance d’une discothèque, cette salle proposait un distributeur fictif de pilules, accessible après vérification d’âge simulée.
Chaque espace faisait appel aux sens — odeurs, sons, décors — et exposait les règles spécifiques du modèle proposé (âge minimal, limites d’achat, présence de messages de prévention, etc.).
Une enquête d’opinion grandeur nature
Au-delà de l’installation artistique, l’expo intégrait un dispositif rigoureux de recueil de données : 1 002 visiteurs (sur 1 200) ont répondu à un questionnaire élaboré avec des chercheurs des universités de Gand et Bruxelles. Parmi les résultats marquants :
- 84 % des visiteurs ont jugé favorablement le modèle de la pharmacie, loin devant la smartshop (49 %) et le club (35 %) ;
- 90 % étaient favorables à un encadrement de la qualité et du dosage des drogues :
- La publicité pour la MDMA a été largement rejetée (89,5 %) ;
- La majorité des visiteurs soutient une régulation qui impose des limites d’âge et de quantité, et favorise la distribution d’informations sur les risques.
Ces retours confirment que la régulation peut être perçue comme un moyen de reprise de contrôle, et non comme une libéralisation incontrôlée.
Une initiative citoyenne et politique
La XTC Expo a mobilisé 36 bénévoles et s’est financée via une campagne participative, des dons et des recettes annexes. Elle a aussi accueilli des visites guidées de groupes professionnels (prévention, justice, soins, police…), ainsi qu’un débat politique avec des représentants de six partis belges.
Le projet a reçu un écho médiatique important, en Belgique et au-delà, et suscité des discussions jusqu’au conseil municipal de Gand, où il a été défendu comme une contribution au débat démocratique.
Une piste pour le futur des politiques des drogues ?
La XTC Expo a démontré qu’il est possible de rendre accessibles des modèles de régulation complexes, en les matérialisant de manière pédagogique et interactive. Si l’expérience n’est pas exempte de limites (biais de sélection du public, complexité du questionnaire), elle ouvre des perspectives pour d’autres substances et d’autres territoires.
SMART on Drugs envisage de reproduire l’expérience ailleurs en Flandre, voire d’en faire une exposition permanente. Cette initiative s’inscrit dans un contexte où les politiques en matière de drogues, tant en Belgique qu’en France, restent largement dominées par une approche prohibitionniste. Dans les deux pays, la détention de substances classées comme stupéfiants – y compris la MDMA – est passible de sanctions pénales et l’usage reste traité comme une infraction plutôt que comme un enjeu de santé publique.
En Belgique, malgré des débats réguliers et la reconnaissance croissante des limites du cadre répressif, aucune réforme d’ampleur n’a encore vu le jour. La consommation d’ecstasy y est pourtant répandue, notamment dans les milieux festifs, et le pays est l’un des principaux producteurs européens de MDMA. Le système actuel échoue à enrayer les circuits criminels, tout en exposant les usagers à des risques sanitaires accrus, liés à l’absence de contrôle de qualité.
La situation française est similaire, voire plus rigide : la France reste l’un des pays les plus répressifs d’Europe en matière de drogues, malgré une consommation de substances comme le cannabis ou la MDMA qui reste élevée.
Dans ce paysage marqué par l’impasse des approches punitives, la XTC Expo montre qu’il est possible d’aborder la question autrement : en informant, en confrontant les points de vue, et en explorant des alternatives concrètes et crédibles à la prohibition. Elle invite à sortir de la logique binaire entre interdiction et laxisme, pour penser une régulation fondée sur la santé publique, la prévention et les droits.
En savoir plus sur la XTC Expo sur le site de SMART on Drugs (en néerlandais)