Régulation de la vape : les professionnels des addictions alertent sur les risques d’un encadrement trop restrictif
La Fédération Addiction salue les mesures annoncées ce jeudi 29 mai par Catherine Vautrin, ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles, visant à mieux protéger les jeunes du tabagisme et à freiner sa banalisation dans l’espace public. En revanche, les professionnels des addictions représentés par la Fédération expriment une forte inquiétude face aux propositions de durcissement du cadre applicable à la vape : baisse du taux maximal de nicotine dans les e-liquides, interdiction de certains arômes. Ces restrictions risquent de fragiliser un levier majeur de réduction des risques et de sortie du tabac, dont l’efficacité est pourtant scientifiquement établie.
La vape, un outil efficace pour sortir du tabac
Si les nombreux témoignages de fumeurs, attestant que la vape a été pour eux un outil décisif pour sortir de l’addiction au tabac, ne suffisaient pas : la science le confirme. Ainsi, la revue systématique Cochrane, publiée en 2023, conclut à un niveau de preuve élevé de l’efficacité de la cigarette électronique nicotinée pour l’arrêt du tabac — supérieure même aux traitements de substitution classiques pour le maintien de l’abstinence au-delà de 6 mois.
Contrairement à une idée reçue, ce n’est pas la nicotine qui est à l’origine des pathologies liées au tabagisme, mais la combustion du tabac, responsable de la majorité des maladies cardiovasculaires, pulmonaires et des cancers. La vape permet de délivrer de la nicotine sans combustion, en réduisant drastiquement les risques : jusqu’à 95 % moins nocive que le tabac fumé selon Public Health England.
La limitation de la concentration de nicotine dans les e-liquides aurait des effets contre-productifs. Elle
- rendrait la vape inefficace pour les personnes fortement dépendantes, les conduisant à des usages compulsifs ou à un retour au tabac, soit l’exact inverse de l’effet recherché ;
- réserverait son usage aux « petits fumeurs », qui sont déjà bien ciblés par les campagnes comme le « Mois sans tabac », alors que les publics les plus précaires, les plus dépendants, devraient être des cibles prioritaires des acteurs de santé
Les arômes, un facteur clé de motivation et de transition
Restreindre l’usage des arômes dans les e-liquides viendrait également affaiblir un levier central du sevrage tabagique. Le consensus de la Société francophone de tabacologie recommande explicitement de permettre l’expérimentation de différents arômes, en raison de leur rôle dans la rupture avec l’identité du tabac et dans le maintien de la motivation. Fruités, sucrés ou gourmands, ces arômes contribuent à créer un usage différencié, à la fois symbolique et sensoriel.
Leur interdiction risquerait de détourner les usagers vers des produits non réglementés ou des circuits parallèles, exposant inutilement à de nouveaux risques sanitaires.
Si la protection des jeunes est une priorité partagée, les politiques publiques doivent rester fondées sur des données probantes. L’interdiction des arômes ciblant prétendument ce public repose davantage sur une posture morale que sur des éléments étayés. De nombreux vapoteurs adultes, y compris âgés, utilisent aujourd’hui ces arômes.
Renforcer l’application du cadre existant
La vape est d’ores et déjà soumise à un encadrement strict : interdiction de vente aux mineurs, interdiction de la publicité, plafonnement de la concentration en nicotine. Avant d’envisager de nouvelles restrictions, il est impératif d’appliquer pleinement ce cadre existant grâce à des contrôles efficaces, afin de garantir la sécurité des produits et d’éviter les dérives commerciales.
Soutenir la diversité des approches pour sortir du tabac
La Fédération Addiction rappelle que les approches de réduction des risques, les traitements de substitution et les campagnes de prévention ne sont pas concurrentes : elles sont complémentaires. Cette diversité doit être reconnue et renforcée pour garantir des parcours adaptés aux besoins de chacun. C’est dans cette logique que s’inscrit le Programme national de lutte contre le tabagisme (PNLT), qui a permis des avancées majeures.
Mais cette dynamique positive ne saurait être affaiblie par des décisions qui, sous couvert de bonnes intentions, pourraient réduire l’accès à des solutions efficaces et renvoyer les plus vulnérabilisés vers le tabac.