Amende pour consommation de stupéfiants portée à 500 € ? Une nouvelle surenchère qui ne règlera rien
En annonçant mardi 16 décembre le passage de l’amende pour usage de stupéfiants de 200 à 500 euros, le président de la République rejoue un scénario désormais bien rodé. Face à l’échec des politiques menées, une annonce sécuritaire ; face à l’absence de résultats, une nouvelle surenchère répressive.
Cette communication s’inscrit dans la continuité de prises de position récentes stigmatisant directement les usager·ère·s de drogues, présentés comme le cœur du problème. Une stratégie de culpabilisation, mettant encore une fois sciemment sous le tapis toute dimension sociale, sanitaire, préventive des consommations de drogues et qui, surtout, échoue depuis des décennies. À chaque renforcement de l’arsenal répressif correspond le même constat : aucun recul des usages, peu ou pas d’impact sur les trafics
La répression n’a jamais endigué les consommations et cette nouvelle annonce d’Emmanuel Macron ne fera pas exception.
À propos du Collectif pour une nouvelle politique des drogues
Le Collectif pour une nouvelle politique des drogues (CNPD) rassemble depuis 2018 des organisations d’usager·ère·s, magistrat·e·s, policier·ère·s, professionnel·le·s de l’addictologie, défenseur·e·s des droits humains et de la santé. Ensemble, nous œuvrons pour une réforme des politiques des drogues en France en plaidant pour une approche fondée sur la réduction des risques, la prévention et la protection des droits des personnes.
L’amende forfaitaire délictuelle : un échec… pourtant annoncé
L’extension de l’amende forfaitaire délictuelle (AFD) à l’usage de stupéfiants avait déjà été présentée en 2018 comme une réponse simple, rapide et efficace. Le Collectif pour une nouvelle politique des drogues avait alors alerté sur une mesure inefficace, et contreproductive. Sept ans plus tard, le bilan est sans appel.
Malgré une massification sans précédent — plus de 1,6 million d’amendes forfaitaires délictuelles prononcées depuis 2019, dont près de 40 % pour usage de stupéfiants — aucun impact n’a été mesuré ni sur les consommations ni sur les trafics. Et pourtant : lorsque la sanction ne produit aucun effet, elle est durcie. Lorsque le durcissement échoue, il est encore renforcé. Cette fuite en avant tient lieu de politique des drogues en France depuis trop longtemps.
Pire encore, cette procédure s’est accompagnée d’atteintes aux droits fondamentaux. La défenseure des droits a ainsi constaté en 2023 que l’AFD porte atteinte aux droits de la défense et à l’accès à un juge, au droit au recours effectif et au principe d’individualisation de la peine. La verbalisation, fragilise la relation entre la police et la population et contribue à des pratiques discriminatoires. Augmenter le montant de cette amende ne corrigera rien : cela ne fera qu’aggraver des dérives déjà identifiées. D’autant que l’AFD touche prioritairement les publics les plus précaires, pour lesquels elle constitue une sanction économique supplémentaire.
Pendant qu’on sanctionne les usages, les trafics prospèrent
Pendant que les politiques donnent des discours qui se pensent fermes, l’État persiste dans une impasse : les moyens policiers sont mobilisés pour sanctionner des consommations tandis que les trafics continuent de prospérer. Cette stratégie détourne les forces de l’ordre de la lutte contre les organisations criminelles, le blanchiment d’argent et les réseaux structurés sans jamais atteindre les objectifs affichés, alors même que la Cour des comptes a dénoncé la faiblesse des moyens de l’Office anti-stupéfiants dédiés notamment au blanchiment d’argent (7 enquêteurs seulement).
Cette logique a de nouveau été confirmée lors du débat parlementaire du 17 décembre consacré au « narcotrafic », à l’issue duquel le gouvernement a annoncé de « nouvelles mesures législatives ». Là encore, la réponse se concentre sur le durcissement pénal, sans diagnostic sur les causes profondes des consommations. Or l’augmentation des usages de drogues concerne désormais l’ensemble des milieux sociaux et ne peut être réduite à des comportements individuels, à la seule jeunesse ou à un aspect « festif » : elle s’inscrit dans des contextes multiples qui vont de l’intensification des rythmes de travail dans certains métiers, à la précarité, l’isolement, la santé mentale, la perte de sens. Ces déterminants sont largement documentés mais systématiquement absents des discours. Y faire face suppose des politiques autrement plus ambitieuses que des amendes : prévention, santé publique, réduction des risques et renforcement des services de proximité.
Dans le même temps, les causes structurelles de l’entrée dans les trafics demeurent ignorées. Les déterminants sociaux et économiques (absence d’emplois, relégation territoriale, affaiblissement des services publics) sont pourtant connus. En refusant de s’y attaquer, les pouvoirs publics préfèrent répéter indéfiniment les mêmes réponses inefficaces et en constater, à chaque fois, l’échec.
Sortir du cycle, écouter enfin le terrain
Il est temps que les responsables politiques cessent de croire qu’en répétant les mêmes recettes, elles finiront par produire des résultats différents. Depuis des années, les acteur·trice·s de terrain, les usager·ère·s, les professionnel·le·s de santé, de la justice et de la réduction des risques et les militant·e·s des droits humains réuni·e·s au sein du Collectif pour une nouvelle politique des drogues, portent des analyses étayées et des propositions réalistes.
Plutôt que de prolonger indéfiniment un cycle répression–échec–répression, il est urgent d’engager une réforme fondée sur la santé publique, la prévention, le respect des droits humains et d’explorer les expériences de dépénalisation de l’usage et de régulation qui font leurs preuves chez nos voisins.
Organisations signataires
- Addictlib
- ASUD - Autosupport des usagers de drogues
- Cannabis sans frontières (07 51 35 02 34)
- Collectif PCP - Police contre la prohibition
- Fédération Addiction (b.tubiana-rey@federationaddiction.fr)
- GRECC - Groupement de recherches et d’études cliniques sur les cannabinoïdes (gregoire.cleirec@gmail.com)
- LDH - Ligue des droits de l’homme (presse@ldh-france.org)
- SAFE
- SOS Addictions
- Syndicat de la magistrature (contact@syndicat-magistrature.org)