Tabac : une baisse historique du nombre de fumeurs mais des inégalités sociales qui persistent

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Article rédigé par Véra Manoukian 22 octobre 2025
Le Baromètre de Santé publique France publié le 15 octobre 2025 révèle une chute inédite du tabagisme dans notre pays : en 2024, moins d’un quart des adultes fumaient, un niveau jamais atteint. Une victoire pour la santé publique à saluer sans réserve. Mais derrière ces chiffres encourageants, de fortes inégalités sociales.

Une baisse durable et spectaculaire du tabagisme en France

Une bonne nouvelle : pour la première fois depuis que Santé publique France mesure ces indicateurs, moins d’un quart des adultes fument ! 24 % des 18-79 ans déclarent fumer, dont 17,4 % quotidiennement. Chez les 18-75 ans, la proportion de fumeurs est passée de 32 % en 2021 à 25 % en 2024 — une baisse continue engagée depuis 2016, confirmée après la parenthèse du Covid-19.

Le baromètre de Santé publique France, publié le 15 octobre 2025, confirme que les ventes de tabac ont, elles aussi, chuté e 24 % depuis 2021 tandis que les ventes de traitements de sevrage ont bondi de 29 % sur la même période.

Cette baisse témoigne des efforts conjoints de prévention, de hausse du prix du tabac (le paquet est passé de 10,92 € à 12,54 € entre 2023 et 2024) et d’un meilleur accompagnement des fumeurs par les professionnels de santé et de l’addictologie. Elle s’inscrit dans l’objectif du Programme national de lutte contre le tabac 2023-2027 : atteindre une génération sans tabac d’ici 2032.

Des inégalités sociales qui menacent les progrès

Mais malgré ces succès, les écarts sociaux restent criants. Les ouvriers fument ainsi 2,1 fois plus que les cadres (25,1 % contre 11,8 %), et les personnes déclarant des difficultés financières sont trois fois plus nombreuses à fumer que les autres (30 % contre 10,1 %). Le chômage joue également un rôle considérable : la prévalence du tabagisme atteint 29,7 % chez les personnes sans emploi.

Ces chiffres confirment le risque de voir la lutte contre le tabac profiter davantage aux catégories favorisées au risque d’accroître les inégalités sociales de santé si des politiques ciblées ne sont pas renforcées. La Fédération Addiction appelle donc à adapter les dispositifs d’accompagnement aux publics les plus précaires et à maintenir des politiques de prévention accessibles à tous.

TAPREOSI, un projet pour réduire le tabagisme au sein des structures sociales

Le projet TAPREOSI (Tabac et précarité, évaluation opérationnelle d’une stratégie d’intervention) vise à améliorer la prise en charge du tabagisme dans les structures sociales. Élaborée entre 2018 et 2021 à partir des sollicitations d’adhérents de la Fédération Addiction et de la Fédération des acteurs de la solidarité, la première phase a permis de créer une méthodologie d’intervention adaptée aux publics en situation de précarité. TAPREOSI favorise le dialogue sur la consommation de tabac, questionne les pratiques professionnelles et renforce les liens entre les structures d’hébergement et du logement (AHI) et celles spécialisées en addictologie.

La phase 2, lancée au printemps 2025, accompagne jusqu’en 2027 deux cohortes de 10 binômes AHI/addictologie dans la mise en œuvre concrète de cette méthodologie.

Les professionnels du secteur social peuvent déjà l’utiliser : outils pas-à-pas pour construire un projet individuel, comprendre le rôle du tabac, renforcer la motivation ou créer des actions collectives autour de la réduction ou de l’arrêt du tabac. Le Mois sans tabac 2025 constitue une opportunité pour développer des projets collectifs et individuels de réduction du tabagisme au sein des établissements.

 

Découvrez le kit d'intervention TAPREOSI

Le vapotage, allié de la baisse du tabagisme

Parmi les outils efficaces, notamment auprès des publics précaires : le vapotage.

Les données s’accumulent confirmant l’intérêt du vapotage pour arrêter de fumer : en 2023, la revue Cochrane établissait que la vape nicotinée est plus efficace que les substituts nicotiniques classiques pour maintenir l’abstinence au-delà de six mois. Le vapotage permet d’inhaler de la nicotine sans combustion, réduisant de près de 95 % les risques sanitaires selon les autorités sanitaires britanniques.

Dans ce contexte, la Fédération Addiction alerte sur les projets gouvernementaux de taxation des produits du vapotage, proposés dans le cadre du projet de loi de finances 2026. Taxer la vape reviendrait à affaiblir l’un des leviers les plus efficaces contre le tabagisme et risquerait d’inciter certains ex-fumeurs à revenir vers le tabac fumé, infiniment plus nocif

Accompagner tous les fumeurs vers l'arrêt

Plus de la moitié des fumeurs quotidiens (55 %) déclarent vouloir arrêter mais seuls 17 % ont réussi une tentative de plus d’une semaine dans l’année écoulée. Ces tentatives sont plus fréquentes chez les personnes diplômées et socialement favorisées : pour la Fédération Addiction, les bons chiffres de la lutte contre le tabagisme ne doivent pas cacher l’importance de renforcer les dispositifs de proximité et de protéger les outils de réduction des risques plutôt que de les fragiliser.

Pour atteindre l’objectif de 5 % de fumeurs en 2032, il faudra consolider ces acquis : maintenir la fiscalité sur le tabac, développer l’accès au sevrage, préserver le rôle du vapotage et surtout lutter contre les inégalités sociales qui minent les politiques de santé publique.

Novembre, c'est le Mois sans tabac !

La Fédération Addiction invite les acteurs de terrain à se saisir du Mois sans tabac 2025 : les 6 et 16 octobre, trois webinaires sur le tabagisme et la précarité ont été organisés. Destinés aux équipes de la Fondation de l’Armée du Salut, de la FAS Occitanie et de la Croix-rouge française, ces temps d’échange ont permis de sensibiliser les professionnels de l’accueil, de l’hébergement et de l’insertion aux enjeux de prise en charge et aux postures professionnelles adaptées face au tabagisme des publics précaires. Ils sont disponibles en replay.

Regardez le replay du webinaire Tabagisme et précarité 2024