Plan national de mobilisation contre les addictions : une stratégie, des principes, mais avec quelle volonté ?
La Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives a publié son plan national de mobilisation contre les addictions.
Prêt depuis maintenant plusieurs mois, son annonce s’est faite, après de multiples reports, par dépêche d’agence de presse et articles de presse, illustrant la difficulté du portage politique de ce sujet. Or comment mobiliser sans impulsion collective assumée ?
Il s’articule autour de six grands défis, 19 priorités et 200 mesures:
- Protéger dès le plus jeune âge
- Mieux répondre aux conséquences des addictions pour les citoyens et la société
- Améliorer l’efficacité de la lutte contre le trafic
- Renforcer les connaissances et favoriser leur diffusion
- Renforcer la coopération internationale
- Créer les conditions de l’efficacité de l’action publique sur l’ensemble du territoire
Des constats et axes de travail équilibrés et adaptés
Ce plan 2018-2022 est techniquement bien construit, ses constats et priorités sont similaires avec ceux que nous avions soutenus et défendus avec d’autres fédérations et associations : priorité « public jeune » en implantant des programmes de prévention validés, mobilisant les familles et la communauté adulte ; soutien aux démarches d’intervention précoce et à la réponse de proximité ; volonté de construire des parcours de santé associant d’autres acteurs que les spécialistes des addictions ; poursuite du déploiement des réponses de réduction des risques, en allant dans les univers de vie et notamment le monde du travail, les situations d’handicap, en faisant évoluer les liens entre la santé et la justice. Globalement, la première priorité accordée aux actions auprès des publics jeunes, adolescents et des familles répond aux nécessités de l’heure.
Un grand regret
Une approche de la régulation de l’accès aux produits psychotropes encore cloisonnée entre une politique essentiellement pénale d’un côté (lutte contre le trafic) et une sensibilité excessive à des enjeux économiques de l’autre (alcool). Certes, la dénormalisation de l’usage de tabac, auquel le vapotage, étrangement oublié a largement contribué, va être accentuée. La plus grande visibilité du pictogramme sur le risque alcool pendant la grossesse ou encore l’engagement à faire respecter l’interdiction de vente d’alcool aux mineurs sont évidemment des avancées. Mais elles soulignent le chemin qu’il reste à faire, aucune des autres mesures envisagées initialement et pourtant documentées dans le plan (prix minimum, limitation de la publicité), n’étant mises en œuvre. Et pour la régulation du cannabis, on en restera tristement à l’amende forfaitaire délictuelle et aux illusions de la pénalisation de l’usage.
Une inquiétude
Le plan ne va pas au bout de la déclinaison technique qu’il revendique. Il n’a pas d’objectifs chiffrés, il n’assume pas les moyens nécessaires, donnant l’impression d’en rester à des grands principes louables mais dont l’application reste floue et fragile, soumise aux contraintes ou aux priorités fluctuantes du moment.
L’impact majeur du tabac, de l’alcool et d’autres substances sur la santé publique et sur la société, le désarroi des familles confrontées à l’addiction d’un proche, l’incessante évolution des objets d’addiction dont témoignent les abus d’écran méritent cette mobilisation élargie à l’ensemble des acteurs qu’esquisse le plan. Mais elle ne sera effective que par une ambition partagée, un discours clairement fédérateur et dynamique, une capacité à mettre ensemble toutes celles et ceux qui sont concernés. Et cela reste à construire.
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