Conférence internationale de Bogota : la construction d’une réduction des risques ancrée dans les droits et les réalités
Décoloniser les politiques des drogues
Tous les deux ans, la conférence internationale de la réduction des risques est organisée dans une ville différente par l’ONG Harm Reduction International. Quatre jours de présentations, ateliers, projections avec plus de 1000 participant·e·s : la conférence est un forum mondial et dynamique de partage et de discussions autour de la réduction des risques, l’usage de drogues et les droits humains.
La conférence de Bogota, du 27 au 30 avril 2025, était la 28e du genre. De nombreuses prises de parole ont insisté sur la façon dont la « guerre à la drogue » frappe d’abord les plus précaires, les personnes racisées, les habitant·es des territoires marginalisés. Se faisant, en Colombie comme dans d’autres pays du Sud, la répression s’inscrit dans l’histoire des domination et dépossessions propres à la colonisation.
Dans ce contexte, la réduction des risques peut être vu comme un espace de résistance : une lutte pour la survie menée par les usager·es et les professionnel·les, parfois au prix de grands sacrifices. Une lutte qui apporte aussi des victoires : dans de nombreux pays, des politiques changent et deviennent plus respectueuses des droits, des structures de soins sont créées des communautés s’organisent.
Porter une vision politique de la réduction des risques
La conférence de Botota a ainsi été l’occasion de rappeler que la réduction des risques, si elle est une méthode voire une clinique, a aussi une dimension politique : elle engage une certaine idée du soin, de la liberté et de la responsabilité. Elle invite à sortir d’une approche morale pour entrer dans une logique de protection, d’écoute et de justice.
Ainsi, de nombreux·ses intervenant·es ont souligné que la réduction des risques ne se limite pas à ses outils techniques mais doit s’accompagner d’un changement de regard qui reconnait la valeur des savoirs locaux, des expériences de terrain et des voix des usager·es. Une politique juste ne peut se construire qu’avec celles et ceux qui en vivent les effets au quotidien.
Les échanges ont souligné l’importance de replacer la communauté au cœur des réponses, d’agir non seulement pour mais aussi avec les usager·es. Cela suppose de leur redonner du pouvoir, de reconnaître leur expertise et leur capacité d’organisation. Penser les politiques de drogues à partir des réalités, des besoins exprimés par les personnes concernées, c’est aussi refuser les réponses verticales et standardisées. C’est faire confiance aux dynamiques collectives, aux solidarités de terrain, aux initiatives nées de l’expérience.
Cela implique de faire évoluer les politiques publiques, mais aussi les pratiques professionnelles, les imaginaires collectifs, et de réfléchir aux rapports de pouvoir. Un travail de long terme qui passe par la formation, le plaidoyer et une alliance constante avec les personnes concernées.
La Fédération Addiction intervient sur le basage de cocaïne
Lors de la conférence de Bogota, la Fédération Addiction a présenté un projet de production de vidéos pédagogiques sur la réduction des risques liée au basage de la cocaïne (pour produire du crack). Des vidéos co-construites avec des usager·es, des professionnel·les et des associations partenaires en France et en Belgique.
Ce projet est issu d’un constat simple : les personnes qui consomment savent beaucoup mais leur savoir est rarement reconnu. Ces vidéos ont été pensées comme un outil pour valoriser et diffuser ces connaissances, en partant de leurs pratiques réelles, de leurs questions et de leurs expériences. Ce travail vise à diffuser des informations utiles et accessibles à celles et ceux qui en ont le plus besoin. Elles s’inscrivent dans une approche collaborative de la santé, qui part des personnes concernées et leur rend leur rôle central dans la construction de réponses adaptées. Les vidéos sont disponibles sur demande en écrivant à infos@federationaddiction.fr.