Considérer la jeunesse et veiller à son bien-être : où sont les propositions des candidats à la présidentielle ?

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Article rédigé par Fédération Addiction 2 mars 2022
Le Covid-19 a eu un impact délétère sur le bien-être de la jeunesse de notre pays. C’est le constat que font les professionnels œuvrant auprès d’elle. Face à cette situation, les organisations interpellent les candidats à l’élection présidentielle : où sont les propositions pour les jeunes de France ? Quelles sont les mesures pour faire de la santé mentale de la jeunesse, prise dans sa dimension la plus large, une véritable politique publique de prévention ?

Organisations signataires

  • ANMDA, Association nationale des maisons des adolescents
  • ANPAEJ, Association nationale des points d’accueil-écoute jeune
  • CNAPE, Convention nationale des associations de protection de l’enfant
  • Fédération Addiction
  • FESJ, Fédération des espaces pour la santé des jeunes
  • FNEPE, Fédération nationale des écoles des parents et des éducateurs
  • EPE IDF, École des parents et des éducateurs d’Île-de-France
Télécharger la présentation du conseil des partenaires

À l’évocation de l’élection présidentielle, un jeune sur deux exprime de l’inquiétude. Comment ne pas les comprendre ? Les jeunes ne sont pas la préoccupation des candidates et candidats et leurs attentes ne sont pas évoquées dans cette campagne.

Si nous ne sommes pas les porte-parole des jeunes, nous, associations qui œuvrons auprès d’eux, nous nous inquiétons de ce manque de considération.

Deux ans de crise et de confinements ont ébranlé la vie des jeunes

Car si la crise du Covid-19 a montré les fragilités de l’ensemble de notre société, elle a eu un impact encore plus important pour la jeunesse. Deux ans de crise et de confinements ont en effet ébranlé la scolarité, les études, l’entrée dans l’emploi, la vie amicale et familiale. Nous l’observons quotidiennement dans notre travail et ce constat est appuyé par les chiffres : 49 % des 18-30 ans jugent la vie « très pénible à vivre », 41 % expriment un sentiment de solitude. Cela se traduit très concrètement par des soucis de santé mentale pour de nombreux jeunes de notre pays, comme le souligne un récent rapport de la défenseure des droits : mal être, augmentation des troubles dépressifs, risque accru d’addictions, idées suicidaires…

Et le Covid-19 n’est pas tout : il intervient dans un contexte déjà délétère. Les inégalités de notre société et la fuite en avant libérale qui abîment les solidarités ont des effets terribles, notamment pour les plus précaires et les plus vulnérables. Parmi lesquels les jeunes et notamment ceux sortant d’un dispositif de protection.

Pourtant, les dispositifs de soutien qui leur sont destinés ne sont pas accessibles à tous et partout. Les actions de prévention et d’intervention précoce font encore aujourd’hui l’objet d’un portage politique insuffisant, handicapées par une tradition trop curative de l’accompagnement et malgré les évaluations documentées et les savoir-faire des professionnels.

Nous revendiquons pour les jeunes une politique du respect, de l’accueil et de l’accompagnement inconditionnel

Nous revendiquons pour la jeunesse une politique du respect

Être jeune, c’est être à un moment délicat de sa vie, en pleine transition et questionnements sur sa famille, les amours, la sexualité, le genre, son corps, son image, sa scolarité, son avenir professionnel. C’est pourquoi nous revendiquons pour eux une politique du respect, de l’accueil et de l’accompagnement inconditionnel. Pour tous les jeunes de notre pays, qu’ils vivent en milieu rural ou dans des grands ensembles, qu’ils soient insérés ou précaires, notre mission, en tant que professionnel de l’accompagnement est, d’être accessible et disponible : d’aller à leur rencontre dès l’apparition des premières difficultés, d’offrir écoute et accueil, de mettre en place des actions de prévention, de repérer le mal-être et, si nécessaire, d’accompagner l’accès au soin. D’autant plus que nous savons que l’intervention des établissements scolaires est limitée sur cet enjeu et encore plus depuis la pandémie.

Nos organisations, dans leurs différents secteurs d’intervention, ont l’expérience de ces missions. Mais nous sommes pour cela tributaires des pouvoirs publics dont le désintérêt atteint aujourd’hui un point de rupture.

Nous constatons chaque jour dans notre travail le manque de concertation des autorités avec les acteurs qui sont appelés à mettre en œuvre les décisions publiques. Nous subissons la segmentation des politiques, leur manque de coordination, les mises en concurrence contreproductives et l’absence de moyens humains… Ce qui met à mal la solidarité nationale et ce sont nos publics, les jeunes, qui en payent le prix.

Nous savons nous adapter : nous l’avons montré pendant la crise. Mais nous ne pouvons pas faire sans les pouvoirs publics. Car si des annonces ont pu être faites, leurs mises en œuvre est loin d’être acquises… Aucune opération de communication, y compris avec des influenceurs, ne pourra remplacer une réelle politique interministérielle qui puisse mettre en cohérence les acteurs et mobiliser les moyens nécessaires.

Améliorer le bien-être des jeunes, c’est se soucier de l’avenir de toute la société. Nous posons la question aux candidates et candidats : est-ce votre priorité ? Nous qui accompagnons les jeunes avons des propositions à vous faire : souhaitez-vous les entendre ?

Nous appelons — conformément aux recommandations tant de l’OMS à l’international que de la défenseure des droits en France — à ce que notre pays se dote pour la santé mentale des jeunes, prise dans sa dimension la plus large, d’une véritable stratégie publique.

Le bien-être et la santé mentale des enfants et adolescents sont un véritable enjeu de société, pour eux aujourd’hui comme pour les adultes qu’ils seront demain.

Nos propositions

Mettre en place une véritable politique interministérielle pour le bien-être des jeunes

1. Créer une instance interministérielle chargée d’animer une politique globale de bien-être et de santé des jeunes avec un renforcement des moyens dédiés aux actions directes auprès des jeunes.

2. Décliner cette nouvelle instance sur le territoire au niveau régional, échelon pertinent de mise en œuvre des politiques publiques, en lien avec le niveau départemental pour ce qui concerne notamment la protection de l’enfance, y compris les mineurs non accompagnés.

Faire avec les jeunes et les professionnels qui les accompagnent

3. Systématiser l’association des jeunes à l’élaboration des mesures qui les concernent.

4. Associer les professionnels de l’accompagnement des jeunes, dans leur pluralité, aux réflexions conduites par les services de l’État au titre de leur connaissance des publics, de leur expertise dans la mise en œuvre des politiques sur les territoires et de leur savoir-faire en matière de prévention et d’intervention précoce.

Favoriser des parcours cohérents de prévention dans le respect de la dignité des jeunes

5. Changer de paradigme politique en sortant du tout curatif pour mettre en place une véritable politique de prévention, pensée et déployée dans une logique interdisciplinaire, avec les moyens appropriés.

6. S’appuyer, pour la déployer, sur le collectif des professionnels de l’accompagnement des jeunes afin de mieux mettre en œuvre et coordonner les actions à réaliser au profit des personnes les plus fragiles dans chaque région

7. Capitaliser sur les acquis de la crise du Covid-19 en créant les cadres institutionnels dans lesquels les acteurs de terrain peuvent faire connaître et partager leurs pratiques d’accompagnement élaborées au fil de la pandémie et susceptibles d’inspirer les politiques et pratiques à venir.

8. Reconnaître aux acteurs de terrain leurs capacités d’initiatives et leur donner les moyens d’innover dans leurs pratiques ce qui demande de sortir des seules logiques de prestation entre la puissance publique et les associations.

Un jeune sur cinq est un joueur excessif : il faut agir