La veille sanitaire sur les drogues : un dispositif efficace pour la santé des usagers

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Article rédigé par Sacha Hertzog 8 juin 2023
Deux vagues de surdoses en avril-mai 2023 (à Montpellier et en Seine-Saint-Denis) ont démontré l'efficacité et la nécessité du dispositif de veille sanitaire sur les drogues. Il fonctionne grâce à la collaboration entre les pouvoirs publics, des organismes publics ainsi que des acteurs de la réduction des risques.

La veille sanitaire sur les drogues : pourquoi ?

Consommer des drogues comporte des risques… et c’est encore plus le cas lorsque de nouvelles molécules apparaissent ou quand la qualité des produits vendus est en cause. Sur un marché illégal et donc par nature non contrôlé, comment éviter au maximum les risques pour la santé des consommateurs ? C’est tout l’objet du dispositif de veille sanitaire : surveiller les produits et émettre les alertes nécessaires pour éviter des accidents parfois mortels.

Deux vagues de surdoses — l’une à Montpellier et l’autre en Seine-Saint-Denis — ont une nouvelle fois révélé l’importance de ce système qui implique de nombreux acteurs.

Les pouvoirs publics sont évidemment impliqués via les agences régionales de santé et la direction générale de la Santé au sein du ministère, mais aussi d’autres organismes publics :  le Système d’identification national des toxiques et des substances (SINTES) de l’OFDT ainsi que les centres d’addictovigilance, sous la tutelle de l’ANSM. Les professionnels des CSAPA et CAARUD et, plus généralement, tous les intervenants de la réduction des risques, sont des acteurs majeurs.

Les dispositifs d’analyse de drogues à visé de réduction des risques — regroupés majoritairement au sein du réseau Analyse ton prod’ — et celui d’analyse à visée sanitaire, sont d’ailleurs partenaires comme l’illustre la signature en mai 2023 d’une convention entre l’OFDT et la Fédération Addiction.

Concrètement, comment ça marche ?

Les surdoses à Montpellier et en Seine-Saint-Denis sont deux exemples d’activation du réseau de veille sanitaire sur les drogues et de l’articulation efficace entre les différents acteurs.

À Montpellier, c’est le CAARUD Axess (Groupe SOS Solidarités) qui a pu émettre une alerte après avoir eu écho auprès de ses usagers de cas de surdoses. Après avoir conduit une analyse non concluante d’un échantillon d’héroïne, il a mobilisé le réseau de veille sanitaire en contactant le CEIP-A et le réseau SINTES.  Les analyses plus poussées ont pu démontrer la présence pour la première fois en France d’isotonitazène, un opioïde très puissant.

En Seine-Saint-Denis, ce sont les services d’urgence qui ont remonté l’information d’une vingtaine de surdoses (non mortelles) en 24 heures. Le CAARUD Aurore 93 a pu réaliser des entretiens et des collectes de produits auprès d’usagers pour mieux comprendre la situation. Avec le laboratoire Analyse ton prod’ Île-de-France, le réseau SINTES et le laboratoire de toxicologie de Garches, les analyses ont montré en quelques jours qu’était vendue une héroïne adultérée avec des cannabinoïdes de synthèse sur un lieu de deal. Les acteurs de terrain ont ainsi pu en informer leurs usagers afin d’éviter de nouveaux incidents.

Dans les deux cas, l’implication des CAARUD a permis une extrême réactivité auprès des consommateurs en les informant, notamment via les réseaux sociaux, des potentiels risques avant même les résultats des analyses.

Les acteurs de la réduction des risques : en première ligne de la veille sanitaire

Même en dehors de ces situations d’urgence, les acteurs de la réduction (CSAPA, CAARUD mais aussi associations communautaires et forums d’auto-support) forment la première ligne du dispositif de veille sanitaire : ce sont eux qui sont en contact avec les personnes usagères de drogues et sont donc directement confrontés à l’arrivée d’un produit dangereux.

Il est en effet possible pour une personne de rapporter auprès des intervenants un produit qui a des effets inattendus ou indésirables ou de faire analyser un produit nouveau ou émergent. Lorsque l’analyse à visée de réduction des risques ne permet pas de reconnaitre un produit, une collecte est réalisée dans le cadre de SINTES : ces collectes sont réalisées par un collecteur habilité par l’OFDT. Ceux-ci sont le plus souvent salariés d’une structure médico-sociale et par ailleurs collecteurs au sein du réseau Analyse ton prod’. Le forum Psychoactif.org est également collecteur pour les personnes ne se rendant pas en structures.

Le produit collecté est envoyé au laboratoire partenaire de SINTES dans la région puis analysé. Le coordinateur SINTES régional (il s’agit le plus souvent là aussi d’une structure médico-sociale ou parfois l’ARS ou le CEIP-A) est aussi informé. Le résultat est ensuite communiqué par le collecteur à la personne concernée par le coordinateur SINTES régional et, dans le cas où le produit analysé est particulièrement dangereux, une alerte peut être diffusée dans le cadre de la procédure « Signal drogue », notamment par l’ARS.

C’est d’ailleurs ce qu’il s’est passé avec l’isotonitazène en Occitanie — avec en outre l’activation du système d’alerte précoce européen — et en Seine-Saint-Denis à propos de l’héroïne adultérée. Une fois l’alerte émise, les acteurs de la réduction des risques sont à nouveau mobilisés pour informer les usagers et diffuser des messages de réduction des risques adaptés.