Soin et prévention en prison : loin des yeux, loin des droits

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Article rédigé par Fédération Addiction 1 octobre 2020

Le 10 juillet dernier, le Conseil National du Sida et des hépatites virales (CNS) publiait un Avis suivi de recommandations ainsi qu’un Rapport sur la prévention, le dépistage et le traitement de l’hépatite C chez les personnes détenues. Celui-ci estime que moins d’une personne sur deux porteuses du VHC initie un traitement au cours de son incarcération. En cause, « l’insuffisance du dépistage » et « l’incohérence des limitations d’accès aux outils de réduction des risques en milieu pénitentiaire » (ndlr préservatifs, seringues, etc.)

Encore une fois, nous ne pouvons que constater une situation d’inégalité radicale dans l’accès aux soins et aux outils de prévention entre l’extérieur et l’intérieur des murs de la prison. Loin d’être des faits inédits, ce rapport met en lumière le désintérêt total de l’autorité publique pour l’état de santé de la population carcérale.

Nous, acteurs-trices des champs de la justice, de l’addiction et de la lutte contre le VIH et les hépatites, sommes aujourd’hui unis-es pour dénoncer :

L’inertie des pouvoirs publics pour appliquer une politique équitable et adaptée de prévention et réduction des risques en prison. La circulaire du 8 décembre 1994 proposait d’ « assurer aux détenus une qualité et une continuité de soins équivalentes à celles offertes à l’ensemble de la population ». La loi de modernisation du système de santé de 2016 a ajouté que « la politique de réduction des risques et des dommages s’applique également aux personnes détenues ». La Stratégie Santé des Personnes placées sous main de justice (PPSMJ) de 2017 a proposé des actions pour « un accès aux soins équivalent à la population générale et limiter les facteurs de risque ». Lois, rapports, recommandations, propositions et revendications associatives se succèdent sans que les ministères concernés s’en emparent.

La vacance du poste de Contrôleur Général des Lieux Privatifs des Libertés (CGLPL) : depuis le départ d’Adeline Hazan le 16 juillet 2020, la nomination de son successeur se fait toujours attendre. Pourtant cette autorité indépendante est essentielle pour le contrôle du respect des droits fondamentaux des personnes détenues, notamment celui d’avoir un même accès au soin et aux outils de prévention que tout citoyen. Comment ne pas interpréter cette vacance comme un acte de mépris pour cette institution et pour le droit à la santé des personnes incarcérées ?

Le manque de transparence des autorités : dans une lettre de mission du 4 janvier 2017, Madame la ministre des Affaires sociales et de la Santé demande à l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS) un rapport sur l’accès aux outils de Réduction des Risques et des Dommages pour les usagers de drogues. Ce rapport remis en décembre 2017, qui contient des recommandations pour les personnes détenues, n’a jamais été rendu public. Nous en réclamons la publication immédiate.

Être privé.e de liberté ne signifie en rien être privé.e de droits. Être exposé.e à des maladies ou ne pas être soigné.e ne fait pas partie de la peine. Le droit à la santé est un droit fondamental aujourd’hui bafoué par les institutions censées en être les garantes.

Nous en appelons une nouvelle fois à la responsabilité du gouvernement pour garantir un accès équitable et effectif aux soins et aux outils de prévention pour toutes les personnes incarcérées.

Signataires

  • Association des Secteurs de Psychiatrie en Milieu Pénitentiaire (ASPMP)
  • Collectif TRT-5 CHV : Acceptess-T, Act Up, Act Up sud-ouest, Actif Santé, Actions Traitements, Aides, Arcat, Asud, Comité des Familles, Dessine-moi un mouton, Hépatites/Sida Info Service, Nova Dona, Sol En Si
  • Fédération Addiction
  • Observatoire International des Prisons (OIP)
  • Sidaction
  • Syndicat des Avocats de France
  • Syndicat de la Magistrature
  • Le Tipi