Commission « baclofène » à l’ANSM : un pas en arrière, deux pas en avant ?

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Article rédigé par Fédération Addiction 6 juillet 2018
Le baclofène doit rester à la disposition des patients et des prescripteurs dans le traitement de l’alcoolo-dépendance.

Suite au dépôt d’une demande d’AMM par le laboratoire Ethypharm concernant la spécialité Baclocur® (baclofène dans le traitement de l’alcoolo-dépendance) pour faire suite à la RTU modifiée qui limitait à 80 mg/j la posologie maximum de baclofène dans cette indication, le CSST (Comité scientifique spécialisé temporaire) mandaté par l’ANSM avait rendu un avis négatif concernant le rapport bénéfices/risques de ce traitement en raison de  différents signaux préoccupants concernant la sécurité d’emploi de ce médicament surtout à hautes doses.

L’inquiétude des patients concernés, de leur entourage et des soignants était donc majeure car cet avis pouvait conduire au refus de l’AMM, à l’arrêt de la RTU et donc au retrait du baclofène dans cette indication ! Un nouvel épisode invraisemblable dans la saga déjà (trop) animée du baclofène.

Cependant, suite à la mobilisation des associations de patients, de prescripteurs et des fédérations professionnelles et conscient que le baclofène répondait à une réelle attente et que le problème posé avait une réelle dimension sociétale dépassant la seule évaluation classique d’un médicament, le directeur général de l’ANSM décidait pour la première fois de créer et de convoquer une « Commission mixte ad hoc », réunissant des membres des trois commissions régulières de l’ANSM pour rendre un avis sur l’évaluation de l’utilisation du baclofène dans le traitement des patients alcoolo-dépendants.

OUI au baclofène !

Cette commission, présidée par le Pr Nicolas Authier, s’est réunie les 03 et 04 juillet, la journée du 03/07 étant consacrée à l’audition des parties prenantes, associations de patients, de prescripteurs impliquées, sociétés savantes, fédérations professionnelles dont la Fédération Addiction représentée par les Dr Aram Kavciyan et Xavier Aknine (au titre de MG Addiction). Ces auditions et les riches débats qui s’en sont suivis ont permis à cette commission, malgré l’avis du CSST, de se prononcer en faveur de l’utilisation du baclofène chez les patients alcoolo-dépendants et donc contre le retrait de ce médicament dans cette indication.

NON à l’AMM « Baclocur », en l’état

En revanche, la Commission est défavorable à la demande d’AMM telle que proposée par le laboratoire Ethypharm. A la différence d’une RTU pour laquelle une simple présomption d’efficacité peut être suffisante, une AMM impose que le rapport bénéfices/risques soit établi, ce qui, aux yeux de la commission, n’était pas le cas au regard des seuls éléments produits dans le dossier présenté par le laboratoire.

OUI à un cadre rénové de prescription :

A la suite des auditions et des dernières données internationales, la  Commission propose que l’utilisation du baclofène puisse se poursuivre notamment selon les conditions suivantes :

  • dans l’indication des troubles de l’usage d’alcool après échec des thérapeutiques disponibles avec l’objectif d’une réduction de la consommation d’alcool jusqu’à un niveau de consommation à faible risque ;
  • prescription par tout médecin jusqu’à la posologie de 80 mg/jour. Au-delà de cette posologie, une prise en charge pluridisciplinaire spécialisée doit être systématiquement proposée compte-tenu d’une augmentation de la fréquence des effets indésirables graves avec l’augmentation des doses ;
  • pas de contre-indication en cas de troubles psychiatriques associés mais nécessité d’une orientation pour avis ou suivi vers un médecin psychiatre ;
  • la prescription de baclofène doit être associée à une prise en charge psychothérapeutique et/ou psychocorporelle et/ou sociale, systématique ;
  • la prescription de baclofène doit être accompagnée d’un livret de suivi et de promotion du bon usage du baclofène.

 

Des avancées

Au final et malgré l’avis négatif concernant le dossier d’AMM pour le « Baclocur® », la Commission demande bien le maintien de l’indication du baclofène dans les troubles d’usage d’alcool et propose même d’assouplir les possibilités de prescription par rapport à l’actuelle RTU en ne les limitant plus à 80 mg/j et en ne retenant pas les contre-indications pour troubles psychiatriques proposées par exemple dans le dossier du laboratoire. Elle rappelle enfin la nécessité d’une approche globale, non exclusivement médicamenteuse, pour faire face à une problématique aussi complexe.

Un consensus sur le baclofène, est-ce possible ?

Face à ce problème de santé d’une aussi grande ampleur et aux difficultés d’accès spécialisé dans certains territoires, la Fédération Addiction avait pour sa part proposé une plus grande implication de la médecine de premier recours sur la base d’une formation ad hoc et de liens renforcés avec les structures d’addictologie, en réservant l’intervention spécialisée aux cas complexes, indépendamment d’un seuil posologique. De même, le recours à un dispositif spécialisé au-delà du seuil posologique de 80 mg/jour ne peut se faire que dans le respect de l’alliance thérapeutique créée avec le patient .

Elle se félicite néanmoins des réelles avancées obtenues par cet important travail de concertation, d’autant que les prises de position convergentes de l’ensemble des organisations professionnelles dont la Fédération Addiction ont permis de peser sur les débats afin de mieux répondre aux attentes des patients. Il reste maintenant à l’ANSM de prendre une décision, nous ne doutons pas qu’elle s’inscrive dans la dynamique assez consensuelle ainsi lancée !

AVIS DE L’ANSM :

Fédération Addiction

Nathalie LATOUR
n.latour@federationaddiction.fr

06.12.21.07.25