Alcool – autorisation du Baclocur : Une suspension pour en finir avec le baclofène ou pour mieux rebondir ?

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Article rédigé par Fédération Addiction 8 juillet 2020

Suite à la plainte du collectif de patients Baclohelp , le Tribunal Administratif de Cergy a décidé de suspendre la commercialisation du Baclocur deux jours seulement après le début de sa mise sur le marché en pharmacie.

L’autorisation de mise sur le marché (AMM) de cette spécialité étant suspendue, on en revient donc à la situation antérieure (RTU baclofène) dans l’attente d’un jugement du tribunal sur le fond. Dans l’immédiat donc pas de catastrophe, on en revient au statu quo ante (un médicament moins cher et mieux remboursé, des doses unitaires moins adaptées…) mais l’avenir du baclofène redevient incertain.

Devant ce nouveau rebondissement, nous souhaitons en tant que cliniciens réunis au sein du groupe  Addictions, réaffirmer la place que peut avoir le baclofène pour la prise en charge de patients ayant un trouble d’usage de l’alcool ( TUA ), en médecine générale, dans l’optique d’une réduction progressive de la consommation d’alcool. Aux côtés des médicaments visant à maintenir l’abstinence, cela permet de diversifier l’offre de traitements en fonction des attentes et de la demande des patients.

Depuis 10 ans, le baclofène a ainsi permis l’entrée en soins de nombreux patients qui n’avaient jamais consulté pour leur problème d’alcool. 

Si les résultats de ce traitement sont très inégaux selon les personnes, sans doute en fonction de spécificités pharmacogénétiques, et si son maniement  n’est pas simple (adaptation prudente des posologies, gestion de fréquents effets indésirables…), il n’en reste pas moins que six ans après la RTU octroyée au baclofène en 2014, l’AMM du Baclocur ° permettait enfin de donner une certaine reconnaissance et une stabilité réglementaire à ce médicament dans l’objectif de réduire la consommation d’alcool, conforme aux attentes de bien des patients..

Il demeurait néanmoins le problème de la limitation de la posologie maximale à 80 mg/jour qui ne permet pas de répondre à toutes les situations cliniques.
Nous comprenons sur ce point la position du collectif de patients Baclohelp qui déplore l’absence de remboursement par l’Assurance -Maladie des patients stabilisés à des posologies supérieures et l’inégalité de traitement administratif qui en découle, entre les patients. D’un autre côté, il est permis de craindre que la RTU elle-même ne soit plus renouvelée au cas où le tribunal administratif confirmerait quant au fond la décision de suspension de l’AMM. Dans ce cas, il ne serait plus possible de prescrire du baclofène dans cette indication. Une régression évidemment inacceptable qui conduirait sans nul doute à de nouveaux recours et entretiendrait ce climat détestable de confusion anxiogène pour les patients et de polémiques…

Nous continuerons à aider les patients concernés à ne pas être trop perturbés par ce nouveau rebondissement déstabilisant et nous demandons qu’une issue soit trouvée rapidement afin d’apporter une réponse adaptée à la situation de chaque patient.

Quelles que soient les options finalement retenues (AMM, RTU renouvelée…), il est notamment indispensable que l’Assurance-Maladie envisage un dispositif dérogatoire permettant de poursuivre le remboursement du Baclofène au-delà des posologies autorisées, au moins pour les patients qui en bénéficiaient avant la révision de la RTU et l’AMM. Cette possibilité devrait pouvoir également être envisagée pour des initiations complexes sur avis conjoint du médecin-traitant et d’un médecin exerçant dans un service spécialisé en addictologie (CSAPA, service hospitalier…)

Nous tenons par ailleurs à rappeler que la prise en charge de patients présentant un TUA nécessite du temps et ne saurait se résumer à la prescription d’un médicament quel qu’il soit. Elle doit pouvoir s’appuyer sur une prise en compte des dimensions biomédicales, psychologiques et sociales. Cette prise en charge globale a d’autant plus de chances de pouvoir être mise en œuvre qu’une demande initiale de médicament venant du patient, aura pu être entendue et accompagnée, lui permettant ainsi d’en évaluer lui-même les intérêts mais aussi les limites.

Nous demandons donc que, loin de l’ « enterrer », cette suspension soit une nouvelle occasion de reprendre le dossier baclofène de manière ouverte et dépassionnée afin de mieux répondre à la diversité des besoins et des attentes des patients ainsi qu’à la demande de bien des professionnels de première ligne.

Xavier Aknine, Françoise Etchébar,  Référents du pôle Médecine Générale et Addiction

Jean-Michel Delile  Président de la Fédération Addiction

Contact presse

Olivier HUREL –Chargé de projets
o.hurel@federationaddiction.fr – +33(0)1. 42.28.83.20

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