Type d'action :
- Articulation entre professionnels
- Lien mère-enfant
- Prévention : information des usagers
- Soin : consultations spécifiques
- Soin autour de la grossesse
Début de l'action :
05 Fév 2012Mots-clés :
Action individuelle et collective
Objectifs de l'action :
La mise en œuvre de mesures en direction des femmes en situation de vulnérabilité et notamment des femmes enceintes constitue une priorité de santé publique. Chez la femme enceinte présentant des conduites addictives, il s’agit de limiter l’effet dangereux des substances consommées durant la grossesse, notamment de l’alcool, pour la mère et pour l’enfant à naitre. Ces femmes enceintes se présentent moins spontanément dans les lieux de soins car elles craignent la stigmatisation voire le retrait de la garde de leur enfants et préfèrent « se débrouiller » seules sans prise en charge et accompagnement spécifique. Le placement des enfants dont la mère consomme des substances peut parfois entrainer la rupture pure et simple du lien entre la mère et l’enfant.
L’objectif principal du projet est de permettre, en lien avec la maternité de l’hôpital de la Croix Rousse et des maternités publiques et privées de la région lyonnaise, appartenant au réseau de périnatalité AURORE, une prise en charge ambulatoire au CSAPA des femmes enceintes consommatrices ou dépendantes de produits psychoactifs illicites ou licites, de l’alcool et des médicaments (psychotropes, antalgiques…).
En lien avec les médecins libéraux, les Centres de Planification et d’Education Familiale, le Médecine Préventive Universitaire, les services de la Protection de l’Enfance, sont également prises en charge ces mêmes femmes lorsqu’elles expriment un désir ou la crainte d’une grossesse ou lorsqu’elles viennent de mettre au monde un enfant.
Plus spécifiquement, il s’agit de :
– favoriser un accès rapide et adapté à des soins addictologiques médicaux et psychologiques
– promouvoir les échanges, la concertation, le partage d’informations et des expériences entre les professionnels
Descriptif de l'action :
Naissance du projet
Le CSAPA prenait déjà en charge chaque année plusieurs femmes enceintes dépendantes des opiacés et assurait la prescription et le suivi des traitements de substitution durant la grossesse. En complément de ces prises en charge spécifiques, le Csapa a souhaité élargir la prise en charge des femmes enceintes vers d’autres addictions (alcool et médicaments psychotropes notamment). Les femmes sont accueillies durant la grossesse et durant les mois qui suivent la naissance de l’enfant.
Déroulement de la consultation
La consultation a lieu au sein du CSAPA aux heures d’ouverture du service. Elle mobilise un médecin addictologue et une psychologue du Csapa. En dehors des professionnels dédiés, les autres professionnels du CSAPA (infirmiers, assistantes sociales) peuvent être sollicités dans la prise en charge. Une attention particulière est portée à l’accessibilité de l’assistante sociale du CSAPA si une prise en charge sociale n’est pas assurée par ailleurs.
Les spécificités de l’accueil sont les suivantes :
– adressage par sage-femme, obstétricien, pédiatre, médecin libéral, structure médico-sociale publique ou associative œuvrant au service des femmes
– consultation sur rendez-vous rapide auprès des professionnels dédiés sur ce dispositif avec une accessibilité directe au médecin addictologue (assurant la première consultation d’évaluation)
– locaux de consultation dédiés afin d’assurer un accueil rassurant et un peu séparé des autres usagers du CSAPA
– soins addictologiques spécifiques
– un rythme de consultation variable et adapté aux situations de la grossesse et des difficultés liées aux addictions, le maintien du suivi après l’accouchement
– la possibilité d’une prise en charge au stade préconceptionnel des femmes dépendantes ayant un désir de grossesse
Une attention particulière est portée aux comorbidités somatiques, principalement les infections virales HIV, HCV, HBV avec une prise en charge spécialisée au sein de l’institution, le CSAPA étant rattaché au service d’hépatologie de l’hôpital.
La consultation est aussi proposée à l’ensemble des maternités publiques et privées de l’agglomération ne disposant pas d’unité d’addictologie, dans les cas de situations complexes.
Par ailleurs, un document d’information destiné aux femmes – « vous attendez un enfant, vous désirez un enfant » -, un questionnaire de préparation aux consultations, destiné aux salles d’attente, une fiche de liaison, un recueil pour le suivi des données ont été rédigés.
Enfin, un travail de recherche bibliographique et de veille documentaire est assuré pour permettre au CSAPA de répondre avec pertinence aux demandes d’information des partenaires et des patientes : envoi régulier par mail aux partenaires de documents en lien avec le sujet.
En parallèle de la consultation, le CSAPA effectue un travail de liaison et d’information avec les professionnels potentiellement concernés par la question (voir ci-dessous la description des partenariats).
Retours sur expérience :
La prise en charge d’une femme enceinte toxicomane demande du temps et une grande disponibilité : le nombre de consultations est souvent élevé, le travail de liaison est indispensable et doit être souple pour mettre en lien tous les intervenants du réseau personnel de la femme, un réseau qui doit être souple, solide, durable et coordonné pour préparer « l’après ».
Certaines prises en charge ont montré l’intérêt d’associer, lorsqu’il est présent, le futur père. Sa participation aux consultations, les réponses apportées à ses questions lui donnent une place privilégiée qu’il garde lors du séjour de la mère à la maternité où il peut être un soutien pour la femme et développer des liens précoces avec l’enfant.
Le nombre des demandes d’IVG et des grossesses non désirées et diagnostiquées tardivement invite à une réflexion plus large sur l’abord des questions gynécologiques et de la contraception dans la prise en charge des femmes toxicomanes. De même, le nombre de grossesses non ou insuffisamment suivies correspond aux données de la littérature : les femmes toxicomanes se croient souvent stériles, présentent fréquemment une aménorrhée et réalisent tardivement qu’elles sont enceintes. Lorsque le diagnostic de grossesse est établi, la crainte du jugement, la peur du placement des enfants, les incitent à garder le secret de leur grossesse.
Enfin, la consultation a mis en évidence l’importance d’une prise en charge dans une maternité de niveau 3 et l’intérêt majeur de l’unité kangourou, mais aussi la possibilité d’un suivi dans une maternité de niveau 1 lorsqu’une bonne coordination existe entre sage-femme, pédiatre et addictologue.
Bilan en avril 2016
Au terme de quatre années de fonctionnement, la file active de la consultation est de 114 patientes, dont environ 70% en cours de grossesse, 15% en période préconceptionnelle et 15% en post partum. L’activité de la consultation et le réseau de professionnels associés augmentent régulièrement : En 2015, la file active était de 79 patientes.
Outre les consultations médicales, psychothérapiques, infirmières – dont, depuis cette année, des consultations de RESC – et sociales, la consultation « grossesse et addictions » assure des entretiens téléphoniques et des liaisons par courriel avec patientes et professionnels, ainsi qu’un travail de veille documentaire, diffusé à l’ensemble de son réseau.
Des documents d’information sont élaborés et proposés aux patientes et aux professionnels et des missions d’enseignement participent à la formation, initiale ou continue, des sages-femmes, des étudiants en médecine et des internes en gynécologie-obstétrique.
Enfin, dans le cadre du travail de réseau et des actions de formation, se mettent en place un groupe de travail avec les sages-femmes tabacologues des HCL pour un meilleur repérage des femmes concernées et, au sein du CSAPA, une évaluation de la consultation par les patientes elles-mêmes, sujet de mémoire d’addictologie d’une infirmière du service.