Type d'action :
- Bien-être corporel et image de soi
- Dispositifs dédiés
- Plages horaires d'accès réservé
- Prévention : information des usagers
- Réduction des risques
- Soin autour de la grossesse
Début de l'action :
01 Jan 1995Mots-clés :
Action individuelle et collective
Objectifs de l'action :
L’espace femmes est un lieu destiné exclusivement aux femmes usagères de drogues et/ou en risque de prostitution. Ses objectifs :
* remplir les 7 missions du caarud auprès des usagères de drogues et des prostituées non usagères de drogues
* offrir un lieu pour se poser sans la pression des hommes
* pouvoir répondre aux questions spécifiques de type gynécologie, maternité
* libérer la parole, permettre l’expression, notamment du mal-être, de la souffrance, de la colère des femmes contre elles-mêmes
Descriptif de l'action :
Historique
L’association Charonne est la première association de France à avoir ouvert un tel espace. Il a été créé peu de temps après l’ouverture de la Boutique 18, à la demande des usagères qui fréquentaient difficilement le lieu car elles y croisaient les revendeurs de produits et les proxénètes. En 2003, l’association a bénéficié de nuitées d’hôtel pour accueillir en urgence les femmes. En 2009, elle a bénéficié de la reconnaissance par la DRIHL (Direction Régionale et Interdépartementale de l’Hébergement et du Logement).
Fonctionnement
Situé dans le bâtiment du caarud près de la Porte de la Chapelle à Paris, l’Espace Femmes est constitué d’un ensemble de pièces à l’accès distinct de l’espace mixte. On y trouve une grande pièce d’accueil collectif, des locaux d’hygiène (douches, laverie), la possibilité de prendre une collation le matin (petit-déjeuner avec pain et fromage), un service d’orientation, du matériel de réduction des risques, des préservatifs, une prestation de socio-esthétique tous les jeudis matins, une prestation de podologie, des soins infirmiers, une aide aux démarches administratives, des conseils à la contraception et le suivi des grossesses. L’objectif de base est de réapprendre des choses simples de la vie, comme prendre un rendez-vous, faire attention à l’hygiène, faire une démarche administrative… Le service est ouvert tous les jours de la semaine, avec un prolongement de l’ouverture sur le temps de midi le lundi (jour de retour de week-end) et le vendredi.
Il s’agit d’un espace d’accueil inconditionnel : les personnes sont accueillies dans l’état où elles arrivent, pourvu qu’elles respectent le règlement intérieur.
A chaque arrivée, des objectifs sont définis avec l’usagère, en fonction des moyens disponibles ; les intervenants font des évaluations intermédiaires au fil du temps. L’important est moins d’atteindre les objectifs que de réussir à poursuivre l’accompagnement de la personne.
Les intervenants de l’espace femmes font également des maraudes pédestres le mardi après-midi auprès des femmes usagères de drogues ou prostituées non usagères.
Public ciblé
La particularité du dispositif tient à la mixité de son public, mélangeant à part égale des femmes usagères de drogues prostituées ou non et des femmes prostituées usagères ou non de drogues. Initialement dédié uniquement aux femmes usagères de drogues, le dispositif s’est tourné, dans le cadre de sa mission de réduction des risques, vers les prostituées non consommatrices. Celles-ci sont souvent d’origine étrangère (Niger, Bulgarie, Roumanie…) : pour leur faire connaître l’Espace Femmes et ses missions, l’équipe mobile a fait plus d’un an de maraudes avec une traductrice. La mise en place de la mixité des publics a été longue, les deux groupes ont mis du temps à s’apprivoiser mutuellement.
L’espace accueille en moyenne une vingtaine de femmes par jour. Sept à huit femmes enceintes sont accompagnées par an ; elles consomment principalement du crack et découvrent généralement leur grossesse tardivement. Le bouche-à-oreille, les maraudes et la distribution de brochures et flyers permettent de faire connaître le dispositif. Les réorientations de partenaires sont plus rares.
Les femmes participent régulièrement au groupe mixte d’expression des usagers, qui a lieu tous les 15 jours.
Retours sur expérience :
Les femmes à la rue usagères de drogues et/ou prostituées voient les facteurs de risques sanitaires multipliés. La maternité est presque un facteur de vulnérabilité dans un espace mixte ; le regard porté par les hommes sur ces femmes est très jugeant. La polyconsommation n’est pas vécue pour une femme comme pour un homme, ni par elle-même, ni par la société. La co-dépendance est reçue de manière plus violente. La femme se considère comme un objet, une monnaie d’échange, et non comme un sujet de droits ; elle vit quotidiennement la pression de la police, du groupe, du compagnon, d’autres femmes… d’où l’utilité d’un espace préservé, où les femmes peuvent souffler. La grossesse est une période de grosses angoisses, en parallèle d’un fantasme de renouveau. Les femmes oscillent entre l’espoir de s’en sortir et le fait de continuer à consommer et à se prostituer, souvent jusqu’au bout de la grossesse.
La confiance entre l’équipe et les usagères se construit sur des années : il faut donc se donner du temps. Quant à la prestation de socio-esthétique, elle est ouverte également aux hommes, mais ils ne viennent pas, probablement pour des questions de représentation.
Le lieu est propice aux règlements de compte : il nécessite la présence d’une équipe d’intervention nombreuse et solidaire, bien formée. Le travail demande une vigilance permanente et beaucoup d’énergie, le public est assez imprévisible.
L’amélioration continue du service est permise par les échanges entre professionnels que la structure alimente en permanence. Par exemple, les professionnels de l’Espace Femmes travaillent régulièrement avec le Dapsa (http://www.dapsa.asso.fr/).